Le prince au petit pois est un album destiné aux enfants de plus de 4 ans. Mais les jeux de mots et le vocabulaire utilisés nécessitent une importante médiation de l’adulte. Cette médiation a d’autant plus d’intérêt que le texte révèle tout son charme lorsqu’il est oralisé : les assonances en « oi » apportant une certaine musicalité au texte.
Cet album est une adaptation libre et très originale du conte d’Andersen La princesse au petit pois. L’héroïne, la Princesse Toinon, veut se marier. À son grand bonheur, elle obtient l’accord de la reine. Mais, pour cela elle doit trouver le prince au petit pois. Une véritable énigme qui laisse Toinon bien perplexe. Doit-elle partir à la recherche du prince au petit pois ? Au petit poids ? Ou au petit pouah ? Au fil des pages, nous suivons sa quête sur les routes du royaume de France.
Le premier contact avec l’album se fait par la première de couverture. Sa composition graphique est très riche : il y a des graphismes simples, des fragments de tissus effilochés et froissés , des photographies et des papiers découpés . Tous ces matériaux surchargent la couverture mais lui apportent aussi un attrait visuel indéniable . Bref, ce joyeux bazar visuel annonce l’humour du texte. Ce désordre apparent n’en est pas un. Ici, chaque image isolée fait sens et renvoie à une thématique de l’histoire. Chacune d’elle éclaire l’autre. Chaque image de la couverture raconte une histoire et se retrouve tel un fil conducteur dans les pages de l’album. Ainsi, au fil des pages, le petit pois pousse pour signifier que la princesse grandit au gré de ses expériences.
Arrêtons nous sur le personnage centrale : la princesse Toinon. Tout en elle, évoque la rondeur : son visage, sans les oreilles de lapin, est celui d’une toute petite fille au sourire malicieux . Sa robe à pois, multicolore suggère la joie. Elle est effilochée, froissée et fabriquée dans un tissus grossier et lourd : nous sommes très loin du stéréotype de la princesse. Le ton est donné : la parodie des contes de fée n’est pas loin. En outre, Toinon est une princesse résolument moderne puisque c’est elle qui part sur les routes de France pour trouver son prince charmant.
Tout au long de l’album, le narrateur joue sur les assonances en « oi ». Particularité qui apporte au texte un rythme et des sonorités plaisantes et même très amusantes. En outre, le texte propose un vocabulaire assez désuet : pour servir cette prégnance du son « oi », le narrateur offre des mots peu rencontrés (courtois, guingois, chatoie, festoie, beffroi, palefroi, effroi, …). Mais quel bonheur de retrouver ces mots et de les partager : les enfants raffolent de ce genre de nouveauté.
Un lexique suranné mais truculent, des images colorées et foisonnantes , des associations iconiques déroutantes mais amusantes, font de cet album, un véritable lieu de détente. Beaucoup de joie éclate de ces pages et l’humour est présent dans chaque détail. On ne se lasse pas de le relire car à chaque fois, on surprend un nouvel élément qui fait sens…
Un joli conte qui se joue des mots et des situations. Mais se terminera-t-il comme tous les contes de fées ?
Petit pois sur le gâteau, cette petite dédicace de l’illustratrice, Anne Letuffe. (Oui, je sais ça devient une habitude !)
Sylvie Chausse, Anne Letuffe, Le prince au petit pois, éditions l’Atelier du poisson soluble , 2007.