L’automne nous amène de belles feuilles, il en est ainsi du dernier livre d’Elzbieta. En 1997 déjà, l’auteure se dévoilait à travers L’enfance de l’Art. Moins autobiographique, mais tout aussi personnel, son essai Le langage des contes paru récemment nous offre la vision d’une artiste de renom sur un domaine encore plein de mystères.
Avant de plonger dans le monde des contes, Elzbieta se distancie de Bettelheim et de Propp, malgré son intérêt pour l’un et sa déception envers l’autre. L’enfant, le texte, l’image, la morale, l’imagination, le langage… sont parmi les multiples angles d’attaque de cet ouvrage. Pour parler des contes, l’auteur revient sans cesse à l’enfant : l’enfant éternel héros des contes, l’enfant qui écoute inlassablement les mêmes contes, l’enfant et la réception des contes, l’enfant que l’on a été et que l’on n’est plus… Elzbieta nous livre une réflexion sur le conte avec son regard d’artiste, d’une artiste proche de son enfance, toujours curieuse de la perception et de la logique des enfants.
Témoignant de son travail, Elzbieta revendique la pensée personnelle de l’enfant : Un enfant qui imagine, qui s’évade, qui pense par lui-même est un sujet d’inquiétude. Comment lui autoriser une vie intérieure hors de tout contrôle ? […] J’ai beau expliquer que l’exploration que je propose aux enfants à travers mes albums est une affaire privée ; qu’il ne s’agit pas pour moi de leur enseigner ce qu’il faut penser, comprendre ou éprouver d’un album, […] qu’en résumé je m’adresse à la capacité des enfants d’évoluer seuls, d’avoir une vie et une pensée personnelles et intimes : rien n’y fait. (p. 33)
Elzbieta prête aux contes un pouvoir puissant, en cela elle rejoint Bettelheim. De même que nos rêves, les contes ne mentent pas. L’usage consolateur intime, le travail caché de la pensée, que le conte – et sa répétition – suscite, demeurent dans le non-dicible, mais les enfants sentent intuitivement que ces récits-modèles abordent discrètement des questions qui méritent examen. (p. 85)
Quant au langage des contes, à leur structure narrative, Elzbieta entrouvre une porte qu’on aurait volontiers voulu la voir pousser plus loin. Elle nous introduit le langage I-maana et son esthétique de l’implicite que le linguiste Hassan Jouad a particulièrement étudié. Certes, les contes – malgré les nombreuses analyses qu’ils ont subies – recèlent bien des mystères et des pouvoirs méconnus. Approfondir la question sur le non-dit, l’implicite des contes aurait été bienvenu.
Au final, c’est un essai sur le conte marqué de l’empreinte personnelle de l’auteur et qui appelle d’autres lectures ou relectures (Bettelheim, Jouad, Péju, Grimm & co). Son ouvrage nous amène un éclairage sur son travail d’auteure : En me hasardant à inventer des contes […]. Il fallait m’exercer à employer des méthodes narratives qui ne me sont pas naturelles, notamment apprendre à surmonter le besoin d’expliquer, de rendre logique et cohérent le pourquoi et le comment […]. (p. 58)
Le langage des contes / Elzbieta ; Le Rouergue, 2014.