Charlotte for ever…

IMG_20180731_101338

(Et oui, Charlotte continue à m’emballer, tout autant que Serge, que voulez-vous… voir par ici : critique Rouge tagada)

Louane a un lourd secret à porter, surtout pour une jeune lycéenne de 16-17 ans. Et comment vivre une telle situation sans pouvoir la partager, notamment avec ses parents ? Louane se sent seule, un peu abandonnée. Elle se confie alors à Cécile, une copine du lycée, avec qui elle n’avait pas trop d’affinités auparavant. Et pourtant, cet événement va les rapprocher et leur révéler davantage de points communs qu’elles n’auraient pu imaginer. L’une et l’autre vont s’épauler dans ce que d’aucuns nommeraient « un accident de parcours », d’autres une « belle galère » et pour la surmonter, Louane sera soulagée de pouvoir être solidement accompagnée.

Bien obligée de divulgâcher (terme tellement plus imagé… ) la thématique, celle de la grossesse précoce chez les adolescentes pour laquelle Charlotte Bousquet nous propose un récit touchant, abordant de manière juste la complexité de la situation : le sentiment de culpabilité, les doutes, les peurs, l’obligation de choisir et de se décider. L’histoire de Louane pourrait paraître si ordinaire mais bousculant tellement la vie d’une jeune fille. D’où l’intérêt de traiter, encore de nos jours, ce sujet. Et le fait que ces deux lycéennes se confient l’une à l’autre, démontre aussi ici que les relations entre jeunes sont loin d’être figées, amenant parfois de belles rencontres. Surtout que Louane et Cécile sont des jeunes filles « entières » qui au vu de la situation ne jouent pas les faux-semblants, obligées de se dévoiler, ce qui induit naturellement cette aide et solidarité.

Charlotte Bousquet nous avait déjà séduit avec ces histoires de pré-adolescents (« Rouge tagada », « Mots rumeurs, mots cutters »…) ciblant des sujets proches des jeunes lecteurs, qui se retrouvent invariablement dans ses histoires. Les dessins de Stéphanie Rubini renforçaient l’identification et un partage d’émotions.

Ici, on s’attaque aux plus grands et les sujets s’adaptent, forcément, mais ça ne les dévalorise pas pour autant. Au contraire. Je trouve que – encore une fois – ce sont des récits qui s’adressent aux jeunes avec franchise, authenticité et maturité. Un peu moins d’innocence et d’insouciance, certes. Mais on maintient l’espoir et l’idée que la vie continue même si parfois des situations changent les individus et qu’elle en devient autrement. Pas  toujours lisse (c’est sûr) mais toujours supportable et pas plus angoissante. C’est la vie… Et les figures de jeunes filles qui sont proposées se veulent tantôt débrouillardes, autonomes mais aussi fragiles et tellement encore en apprentissage, en construction et en devenir. Des attraits psychologiques qui parleront à nombre de lecteurs.

Dans « Secret pour secret« , petit changement et non des moindres, les illustrations sont de Jaypee. Même si ça nous trouble un peu, nous les habitués de Tagada, Bulles, Mots cutter & Co, le choix est judicieux. C’est un autre âge, un autre univers, d’autres relations et préoccupations (d’ailleurs les adultes ne sont pas totalement absents, mais plus en retrait, plutôt facilitateurs que décideurs). Bienvenue au lycée ! Il fallait que l’angle d’attaque en soit changé. Les dessins nous emportent dans la stratosphère juvénile, sans souci. Le choix des couleurs et des points de vue reflète bien les états d’âme de Louane et ses peurs. Là encore, on y retrouve un partage et ressenti d’émotions. Pour moi, en tout cas, le contrat est rempli !

IMG_20180731_101327

« Secret pour secret« . Charlotte Bousquet et Jaypee. Gulf stream, 2017. Coll. Les graphiques. 15 euros

« Barricades » est un autre titre, qui fait suite dans la série, abordant une thématique aussi interrogative pour des jeunes d’aujourd’hui, celle de la transidentité. Déjà embrigadé dans ma PAL.

Sauveur & fils – saisons 1 à 3

❤ ATTENTION Coup de coeur VIRAL ❤

Nous sommes nombreuses à l’Ouvre-Livres à avoir succombé aux charmes du psychologue Sauveur Saint-Yves et de son fils Lazare, 8ans. Certes, ce n’est pas la trilogie la plus légère -question volume physique- à emporter dans son sac de plage 2017 mais les chroniques pyscho-sociales et familiales des trois saisons de « Sauveur & fils » écrites par Marie-Aude Murail passionneront pour sûr vos ados et vous également, les adultes ! 

                                                                                

 

Sauveur Saint-Yves est psychologue clinicien. Et quand on s’appelle Sauveur, comment ne pas se sentir prédisposé à sauver le monde entier ? Sauveur Saint-Yves, 1,90 mètre pour 80 kg de muscles, voudrait tirer d’affaire Margaux Carré, 14 ans, qui se taillade les bras, Ella Kuypens, 12 ans, qui s’évanouit de frayeur devant sa prof de latin, Cyrille Courtois, 9 ans, qui fait encore pipi au lit, Gabin Poupard, 16 ans, qui joue toute la nuit à World of Warcraft et ne va plus en cours le matin, les trois soeurs Augagneur, 5, 14 et 16 ans, dont la mère vient de se remettre en ménage avec une jeune femme…  Mais à toujours s’occuper des problèmes des autres, Sauveur oublie le sien : Pourquoi ne peut-il pas parler à son fils Lazare, 8 ans, de sa maman morte dans un accident ? Pourquoi ne lui a-t-il jamais montré la photo de son mariage ? Et pourquoi y a-t-il un hamster sur la couverture ? L’irruption de secrets familiaux martiniquais dans la vie privée de Saint-Yves, le pousse à emmener son fils sur sa terre natale dès le 1er tome. Grâce aux confidences avec accent créole de son père, grâce aux maux et jargon médical qu’il espionne et  grâce à son meilleur ami, Lazare construit le véritable puzzle de sa vie qui aurait, d’après lui,  bien besoin d’être sauvée.

 

Chaque chapitre est le récit d’une semaine de consultations de Sauveur Saint-Yves et ses patients avec un double point de vue : celui du psychologue mais également celui de Lazare, le fils bien curieux qui écoute aux portes toutes ses consultations sans comprendre tout du jargon médical!  Chacun des chapitres nous tient en haleine par les maux divers et variés et plutôt chargés en émotions des protagonistes (autodestruction, quête d’identité, folie, filiation, racisme, suicide…), mais ceux-ci sont relatés avec tellement d’humanité et d’humour qu’ils en deviennent acceptables. Là est la grande force et la qualité d’écriture de Marie-Aude Murail – je ne vous apprends rien de nouveau hein- puisqu’elle arrive comme jadis dans »Oh boy » à briser les tabous et parler de tout avec bienveillance et sensibilité. 

Il est à noté également qu’il y a un peu deux histoires en une puisqu’en plus de suivre les méandres des patients, nous assistons également à la relation entre Lazare et son père, remplie d’organisation chaotique d’emplois du temps et de  secrets de filiation . Finalement, être fils de psy ne dispense pas de son lot de problèmes! Véritable miroir de la société lié à des évènements marquants de notre actualité contemporaine, on suit pendant 3 saisons soit 3 ans l’évolution de ce duo père/fils attachant, véritable et humaniste.

 

Pour vous donner envie de plonger dans ce triptyque, qui de mieux placer que son auteur même qui en lit quelques passages?

« Sauveur & Fils » Saison 1 à 3 de Marie-Aude MURAIL

Ecole des Loisirs, coll. MEDIUM

Avril 2016 -17 €

Romans à mettre en toutes les mains dès 13 ans!!!!

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire

Il est de ce genre de livre que l’on a envie de recommencer illico presto dès lors qu’on arrive à sa dernière page tellement la chute nous a surpris, bouleversé, émue, choqué ou que sais-je encore…

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire fait partie de ce genre de livre.

https://i0.wp.com/www.lajoiedelire.ch/wp-content/uploads/2016/01/un_jour_il_marrivera_couv-270x398.jpg

Adolescent petit, mince, palot mais à l’humour fin, Élias 13 ans -mais qui en paraît 10-, est persuadé qu’il lui arrivera un jour un truc extraordinaire. En attendant, il passe son temps à vivre ses histoires aventureuses en les griffonnant dans un cahier : traversée de la Manche à la nage, compétitions nationales de judo ou obtention d’un disque de Platine… Depuis la séparation de ses parents, Élias vit avec sa mère et son nouveau compagnon Franck qu’il n’apprécie pas beaucoup. Mais pour faire plaisir à sa mère, l’adolescent est obligé de tisser des liens avec ce nouveau père qu’il trouve irascible via des sorties en plein air, « entre hommes ».

Finalement, les nouvelles aventures sentimentales de sa mère vont passer au second plan quand Élias découvre, à la suite d’une sortie aux trois étangs, qu’il peut VOLER. Ce premier phénomène pour le moins perturbant va ensuite s’accompagner de nouvelles étrangetés: des serres lui poussent, un bec apparaît et des ailes s’extraient de son dos… Élias vit un truc extraordinaire: il se transforme en corbeau!

Essayant en premier lieu de cacher cette métamorphose à son entourage, Élias se confie à ses meilleurs amis Milo et Mathilde, qui vont tant bien que mal essayer de comprendre ce qui arrive à notre héros. Alors, hallucination ou réelle transformation ?

Ce roman est une d’une puissance incroyable où l’ironie et les points de suspension sont lourds de sens… La chute, totalement inattendue, révèle une vérité bouleversante et viendra révolter et faire frissonner tout lecteur. Gilles Abier arrive à nous plonger dans l’univers sensible et le désarroi des pensées d’Élias avec une justesse effroyable puisque c’est submergé par l’émotion, ressentant physiquement les douleurs de la métamorphose en corvidé que nous fermons ces pages.

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire, Gilles Abier, éd. La joie de Lire, Encrage, 2016. 14€ – A partir de 12 ans

D’un seul souffle, d’une seule voix

Quelques titres lus dans cette collection et j’y retrouve (presque à chaque fois) un rythme haletant, une espèce de fougue, des récits qui emportent, qui marquent. On a l’impression que la « plume » des auteurs (oui c’est une image vieillotte, mais je trouve que ça se prête moins au clavier…) ne se re-pose jamais. Du début à la fin, l’histoire est lancée, balancée jusqu’au dénouement, salvateur ou non. Le lecteur est entraîné obligatoirement, se retrouve parfois en pleine suffocation, cherche vite à finir, à savoir, à découvrir, à se rassurer. Des sujets qui touchent les adolescents. De courts récits qui leur parlent. Même si ce n’est pas toujours gai. De rapides lectures. Une collection bien pensée. Un seul cri, un seul souffle, une seule voix !

DSCN3918

Dans Tout foutre en l’air d’Antoine DOLE*, là encore, le cadre est posé. C’est un récit construit comme un appel lancé, un SOS. Une jeune héroïne, une rencontre virtuelle, un inconnu, un conflit générationnel, un mal-être poignant et puis la fugue. Une adolescente qui nous touche, qui a une telle envie de liberté alors qu’elle oscille entre incompréhension, autorité et vexation. Elle s’emballe, veut Tout Foutre en l’Air. Du coup, elle nous inquiète. C’est une lecture sans reprises, d’une seule traite. La narration à la première personne du singulier accentue l’identification et cette impression d’empressement. Les phrases sont courtes, directes proposées parfois de façon détachée sur la ligne, voire sur plusieurs lignes. En fin de compte, je l’ai dévoré !

C’est une collection à destination des « grands » adolescents, à partir de 14-15 ans (certains sujets demandent un peu de recul, de discernement). C’est un petit prix – 9 euros – vraiment approprié aux jeunes budgets.

Nous avions déjà lu et aimé : « La piscine était vide » de Gilles ABIER mais de nombreux autres titres de cette collection méritent toute attention. Nous avons en attente « Cassée » de Frédérique DEGHELT.

(*En lien, parce que c’est ça aussi qui fait la LIJE, une interview d’Antoine Dole comme un cri (aussi), un ras le bol … une dénonciation … et surtout une révélation, l’amour de son métier : http://jeunesse.actualitte.com/humeur/tribunes-de-la-charte-la-parole-aux-auteurs-jeunesse-antoine-dole-1040.htm)

Chère Mémé, Chère Annabelle

L’ouvre-livres

Ruelle du matou qui lit

1000 LIJEVILLE                                                                             25 octobre 2015,

Chère Mémé, Chère Annabelle

Je prends mon ordinateur pour vous écrire cette petite lettre.

J’étais à la recherche d’un roman accessible à mes élèves de CE2 et qui soit en lien avec mon type de texte de la période (la lettre). Après avoir fureté sur internet et appelé mes copines, j’ai commandé Mémé T’as du courrier de Jo Hoestlandt, Nathan, 2013. La quatrième de couverture m’a séduit, je devais trouver un nouvel ouvrage après Je t’écris de Rascal (voir ici).

mémé

« Annabelle doit s’entraîner à taper à l’ordinateur, alors elle décide d’écrire à sa mémé… Bien sûr, mémé radote un peu et tarde à lui répondre. Mais de lettre en lettre, une tendre complicité s’installe. Elles discutent de tout : des parents, du cinéma, de l’école… Et quand Annabelle se fâche avec sa meilleure amie, mémé répond qu’il lui est arrivé la même chose ! » »

Alors mes chers personnages, je voulais vous féliciter pour ce très beau roman.

Annabelle, j’aime beaucoup ta spontanéité. C’est très gentil de ta part d’avoir pris contact avec ta mémé qui s’ennuyait de toi et des tiens. Le fait de partager tes soucis quotidiens te permet de trouver les bonnes solutions et de découvrir l’histoire de ta famille. Tu consolides ce lien intergénérationnel qui était moribond.

Mémé, tes radotages m’ont fait rire, ta nostalgie m’a émue et j’ai beaucoup apprécié ta générosité. Tu sais, je me suis fait autant de souci que ta petite-fille mais chut! je n’en dis pas plus!

Alors jusqu’à Noël, toute la classe découvrira votre roman épistolaire et qui sait, certains élèves prendront peut-être exemple sur toi, Annabelle, et contacteront leur grand-mère, leur-grand-père, leur tonton….Ils seront grandement encouragés par leur maitresse!

Je vous signale que vous avez du faire face à une sacrée concurrence tout de même.

lettres poils

Les lettres à poils et à plumes de Philippe Lechermeier et Delphine Perret étaient drôles et cocasses! J’ai adoré! Quelle bonne idée de présenter sous forme de recueil ces correspondances animales!  Je choisirai certainement les lettres du renard à la mère poule pour compléter la lecture de Mémé, t’as du courrier avec les CE2. Pourquoi ? Juste une histoire de niveau de lecture, ces lettres à poils et à plumes s’adressent à des lecteurs plus grands, plus expérimentés : les textes demandent une lecture fine et les débats interprétatifs mettront en avant une critique de la société.

Mémé, Annabelle, j’ai une dernière confession à vous faire : vous devrez aussi laisser un peu de place à un album illustré qui introduira la séquence « Correspondance » : une lecture moins complexe, des illustrations pour faciliter la compréhension, des objets à manipuler…..Il s’agit du Gentil facteur ou lettres à des gens célèbres. Les multiples exploitations en ligne témoignent de son succès dans les classes. Et puis mon projet de classe est sur les contes! La boucle est bouclée!

GF

Voilà, ma lettre se termine. Mémé et Annabelle, je vous remercie donc pour vos échanges qui me permettront de mettre à nouveau la littérature jeunesse au centre de ma pédagogie. N’hésitez pas à  continuer, je suis sûre que vous avez encore des milliers de choses à partager!

Bien à vous,

Cristel de l’Ouvre-livres.

PS: Annabelle, même si tu dois faire preuve de patience, continue d’utiliser les lettres postales!

PPS: Mémé, même si tu radotes, ton expérience est précieuse! Et puis, fais un petit effort pour les chatons, s’il te plait.