Retour sur : Que lira-t-on cette année en CE1-CE2 ?

Petit retour un an plus tard….La liste présentée a été enrichie de plusieurs titres (L’abécédaire des super-héros d’Agnès de Lestrade, Joker de Susie Morgenstern pour les CE2, Les irrésistibles recettes de Roahl Dahl, Le déjeuner de la petite ogresse d’ Anaïs Vaugelade..), certaines lectures ont laissé place. Le projet d’écriture/ illustration de conte a eu son petit succès et les élèves ont eu des idées géniales! Je n’hésiterai pas à retravailler ce projet une autre année. Voici le livre édité à l’OCCE:WP_20160512_18_39_34_Pro

16°C ce matin. Fini le petit-déj sur la terrasse. J’ai même vu des feuilles mortes à Annecy (si!). Bref, je crois bien que la rentrée s’approche. Nous avons encore quelques belles journées d’août c’est sûr… mais de nombreux enseignants ont déjà l’esprit qui divague vers leur année scolaire : commandes, programmations, progressions… (No comment sur les vacances c’est un sujet qui me fâche).

Cette année encore, mon emploi du temps fera la part belle à la littérature jeunesse, en lecture, littérature et production d’écrits. Je fonctionne par période et cette année j’ai privilégié le type de texte car lecture/écriture vont être imbriquées dans un projet de classe annuel : écrire un récit, l’illustrer et le publier. Les séquences seront identiques en CE1- CE2 mais elles nécessiteront des différenciations pédagogiques au niveau de la longueur du texte, de son vocabulaire et de sa compréhension.

Je partage avec vous donc cette progression annuelle.

Période 1. L’abécédaire dans la littérature jeunesse

J’ai déjà travaillé sur ce thème il y a deux ans et les élèves avaient adoré, cela permet aussi différents niveaux de lecture pour commencer l’année en douceur.

Lectures offertes  (celles que je lis quotidiennement) : Les contes classiques : Blanche-Neige (Grimm), Cendrillon (Perrault), La Belle au bois dormant (Perrault), Le Chat botté (Perrault), Le petit Poucet (Perrault). Aucun rapport avec les abécédaires au prime abord mais méfiez-vous, l’instit dauphinois est malin (pas que lui, hein? l’albigeois, le sarthois et le normand  aussi ^^) : ce corpus va être le creuset dans lequel mes élèves iront puiser les personnages, objets, lieux pour élaborer notre projet de classe. Et il servira aussi de ressource pour le projet d’écriture de période: écrire un abécédaire des contes!

contes

Lecture suivie (celle que chaque élève effectue individuellement avec idéalement un ouvrage mais aussi avec un tapuscrit pour un moindre coût) :

L’abécédaire pas comme les autres *, Loyer/Chabbert/Larchevêque, Bilboquet.

L’abécédaire à croquer, De Lestrade/Dankerleroux, Milan.

ABC bêtes, C.Beigel, Gautier Languereau

Joker Suzie Morgenstern, EDL. En fonction du niveau de lecture de mes CE2, je me réserve ce petit roman sympathique de la délicieuse Suzie si d’aventure, les abécédaires étaient trop peu pour les bons lecteurs.

abécédaire

Lecture libre (ouvrages en libre accès en classe) : différents abécédaires empruntés à la bibliothèque municipale.

Lecture compréhension (compétences de lecture à travailler) : Je lis, je comprends. J’ai la chance d’avoir une maitresse E géniale qui intervient dans ma classe, et pendant ce temps-là, nous organisons des ateliers de lecture différenciés : rééducation graphème/phonème, fluence de lecture, et entrainement avec l’excellent site Je lis Je comprends (parfois, je lis je dessine) : http://sylvain.obholtz.free.fr

Période 2. La lettre

Je suis en attente de lectures donc les lectures suivies peuvent encore évoluer… Notre projet d’écriture de période sera l’écriture d’une lettre qui sera incluse dans notre projet de classe : écrire un récit, l’illustrer et le publier.

Lectures offertes : Les contes classiques : Le petit chaperon rouge (Perrault), Le vilain petit canard (Andersen), La princesse au petit pois (Andersen), Les 3 petits cochons (traditionnel), La Barbe bleue (Perrault).

Lecture suivie : Le gentil facteur ou lettres à des gens célèbres, Janet et Allan Ahlberg  et Je t’écris, j’écris, G.Caban, Z.Modian.

Lecture libre : Chère Maitresse, Amy Husband (gros succès auparavant!),  Les lettres de Biscotte Mulotte, A.M.Chapouton, Je t’écris, Rascal (déjà exploité en CE1), Cartes postales, Anne Brouillard, Je suis revenu !, Geoffroy de Pennart, Lettres d’amour de O à 10 ans, Susie Morgenstern…

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Lecture compréhension : Lectorino Lectorinette M3 Un petit frère pas comme les autres.

Période 3. La recette

Je suis aussi en attente de lectures donc les lectures suivies peuvent encore évoluer… J’espère bien que mes élèves vont se découvrir une passion pour la cuisine et qu’ils nous feront partager leurs expériences (réussies)! Histoire de boucler la boucle et de travailler le « Je lis, je fais » ;-). Le projet écriture de période sera l’écriture d’une recette fantastique (on évitera le piège de la recette de sorcière qui se termine toujours par des ignominies) qui sera incluse dans notre projet de classe : écrire un récit, l’illustrer et le publier.

Lectures offertes : Les contes des mille et une nuits

Lecture suivie : La potion magique de Georges Bouillon, Roahl Dahl

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Lecture libre : L’école des gâteaux de Rachel Hausfater, Les recettes irrésistibles de Roahl Dahl et autres albums/documentaires empruntés à la bibliothèque municipale à partir de la liste de Ricochet : http://www.ricochet-jeunes.org/themes/theme/479-cuisine-recette

La Tarte aux pommes de Papa

Lecture compréhension : Lectorino Lectorinette M3 Un petit frère pas comme les autres.

Période 4. Le poème

Chaque année nous participons au Printemps des Poètes. Petit poème récité aux autres classes tous les matins, écriture libre  pour les poètes en herbe, illustrations de poèmes…..Un petit projet qui met la poésie au cœur de l’école durant une quinzaine et qui nous éloigne de la célèbre récitation. Je vous renvoie à un précédent article sur la poésie ici:

https://ouvrelivres.wordpress.com/2013/03/04/p-comme-printemps-p-comme-poesie/

http://www.printempsdespoetes.com/index.php?rub=12&ssrub=58&page=176

Le projet écriture de période sera écrire un poème (calligrammes, à la manière de… c’est « in progress ») qui sera lui aussi inclus dans notre projet de classe : écrire un récit, l’illustrer et le publier.

Lectures offertes : Les contes de la forêt vierge, H. Quiroga. Cela ne rappelle rien à personne, les ouvre-blogueuses?*

Lecture suivie : Différents poèmes classiques (Prévert, Desnos…) et d’autres plus récents.

Lecture libre : Différents recueils de poésies, albums illustrés.

source : http://www.lietje.fr/files/2012/02/Selection_Poesie-jeunesse2012.pdf

Lecture compréhension : Lectorino Lectorinette M4 La fiole à turbulon.

Période 5. Le documentaire

Pour la fin de l’année, j’aime bien finir avec le documentaire pour plusieurs raisons:

  • les différents niveaux de lecture permettent à chaque lecteur d’apprécier ce qu’il lit.
  • le documentaire complète judicieusement les notions de sciences, de géographie, d’histoire, éducation civique abordées au cours de l’année.

Lectures offertes : contes médiévaux ( Si aucun grain de sable n’est venu perturber cette année, je devrais arriver à ce point-là en Histoire avec les CE2……)

Lecture suivie : Rallye lecture les documentaires. Je remercie vivement BoutdeGomme pour ses rallye-lecture géniaux, je donne la sélection à la bibliothécaire qui fait de son mieux et zou! les élèves lisent, lisent et relisent!  Tout est ici : http://boutdegomme.fr/category/rallyes-lecture

Lecture compréhension : Lectorino Lectorinette M4 La fiole à turbulon.

Bien, cette progression peut paraître rigide… mais que nenni! Cette année sera ponctuée, j’en suis sûre, de lectures surprises, ces albums ou romans que l’on découvre en flânant dans les rayons des librairies, ou sur les conseils de … l’Ouvre-livres!

Bonne fin d’été!

*Les contes de la forêt vierge était un ouvrage étudié en M1 Lije au Mans… 🙂

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Devenir Inco…..

Chaque année, mes collègues de CM1-CM2 participent à une rencontre avec le collège dans le cadre du » Prix des Incorruptibles ». Littérature jeunesse, pédagogie, défi-lecture… cela m’intéresse… je vous présente une action qui place le livre au cœur de la classe au quotidien.ob_be76a8_affiche-27e-prix

Une association -Les Incorruptibles- créée en 1988, propose un prix littéraire « conçu comme un jeu, un défi à relever ». L’objectif est de « changer le regard des jeunes lecteurs sur le livre, afin qu’ils le perçoivent comme un véritable objet de plaisir et de découverte. » Quel programme, c’est tentant!

Les classes qui souhaitent devenir « Incorruptibles » s’engagent à :
• lire les ouvrages qui ont été sélectionnés (sélection 2015-2016 ici)
• se forger une opinion personnelle sur chacun des livres
• voter pour leur livre préféré.

Souvent, les librairies, les enseignants , les animateurs, les bibliothécaires travaillent ensemble autour d’un projet commun et « le Prix des Incorruptibles contribue au développement d’une dynamique locale autour de la littérature de jeunesse. »

***

 Sylvie, ma directrice adorée a participé aux Incorruptibles l’an dernier, elle a accepté de nous éclairer sur ce projet.

Sylvie , pourquoi as-tu choisi de participer à ce projet?

J’ai accepté pour 2 raisons principales :
1/ engager mes élèves dans une dynamique de lecture par la pédagogie de projet,
2/ renforcer la liaison CM2-6ème et la liaison entre plusieurs classes de CM2 (bénéfice pour les élèves qui rencontrent les “grands’’” de 6ème et leurs homologues de CM2 et pour moi qui rencontre les profs du collège et les autres collègues de CM2).
Une rencontre a lieu en effet chaque fin d’année au collège de secteur (ce sont les bibliothécaires du collège et des communes alentours qui organisent cette manifestation). Les élèves sont tous mixés dans des groupes différents et doivent répondre à des questions sur les livres de l’année. Des épreuves sportives ont également lieu (course d’orientation, lancement de vortex, panier de basket à cibler, course de relais), c’est pourquoi cette rencontre s’appelle la Tête et les Jambes. Cette année, les 5 classes de CM2 du collège de secteur et les 5 classes de 6ème dudit collège se sont rencontrées le 12 juin pour une belle journée d’activités cérébrales et physiques.
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Est-ce que c’est simple de devenir Inco?
C’est assez simple, il faut acheter auprès du site des Inco le nombre de séries dont on a besoin. La bibliothèque de la ville ou du village peut contribuer en achetant une série.
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Qu’as-tu pensé de la sélection CM?
La sélection est parfois un peu difficile pour les CM1 (quand on a un double niveau) mais les ouvrages sont généralement bien adaptés aux CM2-6èmes. Dans la sélection, il y a toujours 2 ou 3 albums. Restent ainsi 4 romans. Nous choisissons l’un d’eux (ou 2) et le lisons à haute voix tous ensemble en nous attachant à bien reformuler l’histoire. Je fais aussi souvent un schéma heuristique ou une carte mentale sur une affiche (avec eux) pour synthétiser celle-ci.
Comment as-tu organisé la circulation des livres dans ta classe?
J’achète au moins 3 séries des 6 ou 7 ouvrages sélectionnés chaque année (pour 25-27 élèves) et les fais tourner dans la classe. Après chaque lecture, l’élève pointe un tableau et réponds à un questionnaire établi par mes soins qui génère un score (autocorrection). Objectif : gagner le rallye lecture en répondant le mieux possible aux questions de tous les ouvrages et en obtenant le meilleur score final. Les élèves de CM adorent les défis et GAGNER, certains lisent les ouvrages en quelques semaines seulement et attendent impatiemment que les autres aient fini pour savoir qui a gagné ! Mes questions sont ensuite envoyées aux bibliothécaires du collège qui les sélectionnent ou pas pour la journée Tête et Jambes.
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Quelles sont concrètement les taches à accomplir par l’enseignant? Est-ce lourd à gérer?
Il faut lire les ouvrages par avance et faire des questions mais nous avons la chance d’avoir du temps l’été et de faire cela tranquillement. Mais c’est tout de même du boulot, comme tous les projets de toute façon.
Comment s’est passée la rencontre école/collège?
Excellente journée riche de rencontres pour les élèves, de découverte du collège, de partages avec les anciens CM2 aujourd’hui en 6ème et de nouveaux projets qui se dessinent entre profs. Mieux se connaitre c’est important, surtout avec le nouveau cycle 3 : CM1-CM2-6ème.
Quel est ton bilan ? Participeras-tu l’an prochain?
Bilan très positif. Je participerai avec grand plaisir l’an prochain. Pour l’heure, il faut vite que je commande ma sélection à lire cet été  !
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La nouvelle sélection est en ligne…et on peut participer en famille…..sympa comme projet-cousinade, non?
Alors…..qui se lance?

Séquence Littérature/Production d’écrits sur la lettre : Je t’écris, Rascal

Lors de la dernière période nous avons travaillé sur la lettre. Je partage donc avec les lecteurs de l’Ouvre-livres la séquence élaborée pour le cycle 2 (CE1). Nous nous sommes imprégnés des éléments de ce type de texte par différentes lectures d’albums, de romans et nous avons étudiés l’album de Rascal, Je t’écris.

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Cet album rassemble de nombreuses lettres écrites par différents personnages. Martine Gravillon écrit au Père Noël, Lucas écrit à son copain Loïc, Abel écrit à son ancien maitre de CM1…… L’univers de Rascal est perceptible autant dans les personnages qui, bien que jeunes, ne sont jamais naïfs, dans les illustrations qui jouent avec les lettres juxtaposées…..Les thèmes sont graves (la guerre, le divorce, la différence…) et le jeu poétique avec les mots est présent dans chaque missive.

Au début, je pensais ne faire lire que quelques lettres, mais ce sont les élèves qui en ont fait la demande, ayant saisi qu’il y avait quelque chose à deviner à travers les mots….qu’ils avaient des liens à établir entre les lettres.

Parallèlement nous avons écrit un message aux parents, une carte postale et enfin une vraie lettre. Tous ces courriers avaient de vrais destinataires, les deux derniers écrits ayant été postés . En arts visuels, nous avons découvert l’art postal et ces œuvres magnifiques et nous avons tenté de créer notre enveloppe, à l’aide de collage, peinture, coloriage …..

Bref un projet bien sympa, avec comme point central, la littérature jeunesse.

La séquence est  ici.

Les ateliers sont  là.

En lecture libre, les élèves avaient à disposition

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Il s’agit d’un recueil de lettres et autres cartes postales, télégramme entre un enfant et une maîtresse. Le directeur invite l’enfant à effectuer sa rentrée scolaire. L’enfant répond à sa maîtresse en trouvant de multiples excuses abracadabrantes pour son retard:  mission secrète, randonnée en Amazon… album accessible aux faibles lecteurs.

Je_t_ecris_j_ecris  Je t’écris, j’écris, Geva Caban et Zina Modiano , Gallimard Jeunesse, 2002.

Une petite fille en vacances  écrit des lettres à son amoureux. Petit roman plutôt utilisé en CE2 ou alors avec des lecteurs aguerris en cette période 4.

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Le gentil facteur, Janet et Allan Ahlberg, Albin Michel Jeunesse, 2005.

L’incontournable album du gentil facteur qui apporte des lettres aux personnages de contes. Epuisé, il faut fouiller dans les bibliothèques pour le trouver. Texte adapté aux jeunes lecteurs avec (ce n’est parfois pas du luxe) rappel des différents contes.

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Les lettres de Biscotte Mulotte, A.M.Chapouton, Flammarion, 2014.

Une petite souris laisse des lettres aux élèves d’une classe. Petite histoire bien sympathique . De nombreuses exploitations en ligne.

En lecture offerte, j’ai proposé:

Joly-Qui-A-Pique-Le-Courrier-Livre-895863821_ML Qui a piqué le courrier de la classe verte? Nicolas de Hirsching, Fanny Joly, Casterman, 2001.

 

Je finirai cet article avec un lien vers le Festival de la correspondance organisé à Grignan (Drôme) qui verra pour la première fois la participation des écoles. (Merci Marie pour l’info!)

http://www.grignan-festivalcorrespondance.com/

 

Tous à vos lettres !

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Bibliographie sur la correspondance:

http://www.ricochet-jeunes.org/themes/theme/180-correspondance/page/9

Séquence Théâtre Jeunesse : Une lune entre deux maisons

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Pour tout vous dire, je m’étais déjà essayée au théâtre en cycle 3, j’avais consciencieusement emprunté les ouvrages conseillés par la liste de références du Ministère…..et j’avais trouvé ça ennuyeux, chronophage dans un emploi du temps de CM1 ……Bien plus tard, j’ai partagé mon ressenti plutôt négatif sur le théâtre à l’école avec Marie Bernanoce, spécialiste de la Didactique du théâtre, Enseignant-chercheur à l’Université Stendhal et sa réponse a été simple: « Pourquoi vouloir faire jouer une pièce de théâtre à des enfants, il y a tant de choses à faire avec un texte de théâtre! » Après de nombreux échanges, de multiples lectures sur la didactique du théâtre, elle m’a convaincue.

Aussi, je partage aujourd’hui une séquence sur la magnifique pièce de Suzanne Lebeau « Une lune entre deux maisons ». Elle s’adresse à des élèves de CE1, lecteurs, et permet une interdisciplinarité (vocabulaire, arts visuels, eps…)

Pour débuter cet article, voici quelques renseignements sur l’auteur et sur le texte .

Suzanne LEBEAU, Une lune entre deux maisons, Editions Théâtrales II Jeunesse, Montreuil-Sous-Bois, 2006 (1ère éd. 1980).

Suzanne Lebeau est une auteure canadienne née en 1948. Tout d’abord comédienne de théâtre, elle joue de 1966 à 1973 à Montréal, puis à Paris. Après avoir fondé la compagnie de Théâtre le Carrousel avec Gervais Gaudreault en 1975, Suzanne Lebeau se consacre exclusivement à l’écriture.

Après 25 pièces originales, 3 adaptations et plusieurs traductions, elle est reconnue internationalement comme l’un des principaux auteurs pour jeunes publics. Ses œuvres sont publiées de par le monde : Une lune entre deux maisons (1979) est la première pièce canadienne écrite spécifiquement pour la petite enfance, elle a été traduite en six langues.

Dès 1993, la dramaturge est invitée à diriger des ateliers d’écriture, à donner des conférences et à participer à des résidences d’auteurs en France et de par le monde.

De 2007 à 2010, le Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine et Suzanne Lebeau poursuivent ensemble un compagnonnage. Plusieurs saisons durant, le Théâtre Jean-Vilar a choisi d’explorer avec Suzanne Lebeau les rapports entre le réel et l’écriture.

Elle a également enseigné l’écriture à l’École Nationale de Théâtre du Canada pendant 13 ans.

Suzanne Lebeau a une réelle réflexion sur son écriture, elle souhaite adopter un point de vue :  » écrire pour enfant est davantage une façon de regarder le monde que la nécessité d’en inventer un, différent et merveilleux, plus gai, plus coloré, plus souriant. »[1]

Elle ne souhaite pas décrire un univers irréel mais bien décrire la réalité  avec ses problématiques, ses manières de vivre, sans sujets tabous:« D’un côté de la corde il y a cette volonté de protéger l’enfance et les enfants de la «dure réalité de la vie en choisissant de bâtir un univers parallèle plus joyeux et sécurisant. »[2]

Sa recherche de doctorat lui donne l’opportunité de se questionner sur les circonstances encadrant la pratique artistique destinée au jeune public : Comment faire pour que se réalisent et se mettent en place toutes les conditions nécessaires pour qu’il y ait une vraie rencontre entre les enfants et les arts ?

La pièce

Dans la pièce, Plume est un personnage vif, bavard, ouvert. Taciturne parle peu, c’est un personnage secret qui écoute et joue de la musique. Leurs maisons sont voisines, ils vont se découvrir, composer avec leurs différences et devenir amis grâce à la nuit riche de bruits hostiles et d’ombres inquiétantes.

 * Les personnages de Plume et Taciturne opposés dans leur manière d’être mais néanmoins complémentaires à l’image de leurs maisons (qui finiront par s’emboîter à la fin de la pièce) permettent d’envisager une piste didactique notamment en analysant leur discours, leur apparence.

* Les symboles présent dans chaque objet que manipulent Plume et Taciturne peuvent  permettre à l’élève de dégager une idée symbolique de la pièce. Cette réflexion permet d’utiliser la richesse du texte pour débattre d’un concept comme l’amitié, la différence.

* Les didascalies sont précises et fournies :

–  la non-sexualisation des personnages nous renvoie à une autre pièce publiée par les éditions Théâtrales II Jeunesse, Miche et Drate, Paroles blanches de Gérald Chevrolet[3], dans laquelle « deux personnages sans âge, sans sexe avec des mots tendres, poétiques et oniriques, comme « deux parties du cerveau qui dialoguent au bord du monde ». Ils se heurtent avec naïveté et humanité à un monde trop grand pour eux, sauf à se construire leur univers. »[4]

-le rapport au public : le texte didascalique est ici à dominante de régie, les personnages évoluent explicitement dans ce qui serait la mise en scène de la fiction théâtrale ; l’écriture de Suzanne Lebeau donne des règles pour les personnages, le décor, il y a un réel appel à la scène.

Quelques phrases

Scène 1-présentation des personnages 

« Plume et Taciturne sont assis par terre sous trois gros nuages. Il pleut. Ils sont un peu cachés par un gros parapluie sous lequel ils s’abritent. Taciturne a avec lui des instruments de musique de toutes sortes, des plus simples aux plus complexes. Quand les enfants arrivent, Plume se trémousse et leur envoie des saluts, de gros gestes de bienvenue, des becs. Il fait aussi signe de ne pas déranger Taciturne qui semble très absorbé par sa musique. »

 Ce texte  nous présente des personnages présents sur scène à l’entrée des élèves, ils engagent un dialogue visuel (Plume salue) et auditif (Taciturne joue de la musique). Dès leur arrivée les élèves sont immergés dans l’univers théâtral.

Scène 3- La rencontre de Plume et Taciturne

       Plume, assis, reçoit sur la tête un gros carton ou linge sur lequel est écrit : « Je m’appelle Taciturne. »

Plume.- (déconfit) J’sais pas lire.

C’est pas grave.Ca veut dire bonjour.

Maladroitement, en suivant avec ses doigts.

Plume.- « Bonjour », « bonjour, comment ça va ? »

Taciturne fait le tour de sa maison avec une clôture qu’il vient placer entre Plume et lui. Plume est si absorbé dans son déchiffrage qu’il ne voit pas Taciturne. Taciturne s’aperçoit que Plume ne sait pas lire. Il s’arrête et, avec son doigt, en suivant les lettres il lit :

Taciturne.- Je m’appelle Taciturne. »

Cette scène aborde l’apprentissage de la lecture en le définissant comme essentiel pour la communication avec l’autre, avec le monde.

Scène 9 –C’est tellement mieux quand on est deux

Taciturne : « Chut ! Plume dort. C’est comme ça que Plume et moi, on s’est rencontrés. Hier, je le connaissais pas. Maintenant c’est mon ami. »

Les deux personnages revivent une situation qui s’est déroulée hier. Le fait d’évoquer un événement passé permet de ne pas ignorer le besoin d’immédiateté du jeune élève : le fait a déjà eu lieu, le jeune enfant ne peut donc pas intervenir pour changer le cours des choses.

Cette réplique de Taciturne permet de clore la pièce avec un retour au présent et les mots simples (mais pas simplistes) traduisent le sens d’ami : celui qui a été là quand j’avais peur.

Pistes de travail envisagées

Ce texte est composé de phrases courtes, et le vocabulaire est simple. Il évoque deux thèmes qui ont du sens pour les jeunes enfants, l’amitié et la peur, il semble donc accessible aux élèves de fin de cycle 2/début de cycle3.

Ce texte ne se limite pas à sa surface, le traitement des rapports à l’autre apporte une complexité, un questionnement qui permet d’envisager une lecture littéraire du texte, un débat philosophique avec les élèves. De plus, la théâtralité de ce texte est forte et induit de nombreuses activités en classes pour les jeunes enfants comme les plus âgés comme « la place des acteurs, (..) leurs gestes, (..) leur mimique, (…) leur parole »[5] lors d’une mise en espace.

Dans le cadre d’une problématique qui s’interroge sur comment faire lire et comment analyser un texte de théâtre, une séquence de lecture suivie en fin de cycle2/ début de cycle 3 permettrait d’envisager de travailler les compétences des programmes de l’Education Nationale en centrant l’entrée sur le texte didascalique.

-« Écouter et lire des œuvres intégrales courtes ou de larges extraits d’œuvres plus longues. »

-« Lire, comprendre et interpréter un texte de théâtre  »

-« Identifier les personnages, les événements et les circonstances temporelles et spatiales d’un récit qu’on a lu. »

-« Identifier la double temporalité de la pièce grâce à partir du texte didascalique »

Les objectifs généraux de la séquence sont de se créer un horizon d’attente à partir du texte didascalique et de confirmer ou infirmer cet horizon d’attente à partir des éléments de voix didascalique tout au long du texte de théâtre, de saisir l’univers de cette pièce à travers le texte et la mise en voix effectuée au sein de la classe.

Pour élaborer cette séquence, je me suis inspirée des ouvrages de didactique du théâtre et notamment de ce dernier:

Marie BERNANOCE, A la découverte de cent et une pièce  : Répertoire critique de Théâtre contemporain pour la jeunesse, Scéren-CRDP Grenoble, 2006.

A travers une sélection de cent une pièces, Marie Bernanoce montre la diversité du théâtre contemporain pour la jeunesse. Le thème, l’écriture, la dramaturgie de chaque oeuvre est étudiée et de nombreuses pistes de travail sont proposées pour la scène et la classe.

En ce qui concerne Une lune entre deux maisons, Marie Bernanoce souligne la double temporalité de la pièce.

La pièce bénéficie de :

la rupture de l’illusion réaliste  présente dans les répliques de Plume « oubliez pas…c’était hier »,

l’adresse au public  signifiée à plusieurs reprises dans le texte didascalique :  Taciturne en profite pour nouer un dialogue avec les enfants, PLUME.- (aux enfants)

le changement de décor à vue décrit par les personnages « C’était pas comme ça hier. Moi je suis arrivé le premier et c’était pas comme ça du tout. Y avait pas une seule maison. »

De plus, la mise à nu de la théâtralité apparait dans les documents accompagnant le texte de théâtre, intitulé Notes sur l’écriture d’Une lune entre deux maisons. Suzanne Lebeau cite l’utilisation de deux maisons qui deviennent une seule, le jeu scénique autour de ces deux maisons (dedans, dehors, autour, au-dessus..), l’utilisation d’objets à la fois signes et symboles comme la corde à linge qui permet de rapprocher les deux maisons, le ballon qui permet de jouer ensemble, le dessin qui est cadeau.

Enfin à noter la présence d’une scène et de propos qui mettent en jeu l’acte d’apprentissage : Plume qui essaie de comprendre un message écrit, Taciturne qui aimerait apprendre à lire à Plume pour le remercier.

Dans son analyse, Marie Bernanoce relève dans le texte l’importance de la voix didascalique.

La voix didascalique est le lieu d’articulation entre la voix de l’auteur et la voix du lecteur, construisant l’imaginaire de la fiction et de la régie. (….) cette notion permet de penser la façon interactive auteur et récepteur du texte de théâtre, et le lecteur n’est pas oublié. C’est l’outil de réconciliation des outils de la scène et des outils du texte. Elle permet de penser, dans l’activité de lecture, la relation du texte à la fiction comme la représentation, en particulier en donnant corps et force littéraire à des parties du texte que l’on a trop facilement tendance à considérer comme accessoires. »

Suzanne Lebeau le précise dans ses Notes sur l’écriture, les objets ne sont pas de simples accessoires de théâtralité, ils sont un symbole et permettent au jeune public de se construire leur monde. Aussi le ballon, la lune, la corde à linge, la cadeau ….trouveront un sens aussi dans le texte de théâtre.

Les pistes proposées aux enseignants sont une réflexion sur l’esthétique du théâtre par le biais de pistes d’exploitation en classe de non-lecteurs comme le travail sur la structuration du temps (jour/ nuit), la dictée à l’adulte d’une autre scène de peur, diverses activités de langage concernant le lexique et des activités motrices.

Si l’on considère l’adresse au public, de nombreuses idées sur la mise en œuvre de la pièce peuvent être imaginées :

-le théâtre de papier, théâtre miniature tenant en général sur une table. Les personnages sont à l’échelle du théâtre et sont actionnés par des tirettes en carton latéralement par le narrateur qui se tient généralement derrière la table. Chacun pourrait fabriquer une façade de théâtre, des décors, des figurines, les coller sur du carton et les assembler.

-le théâtre d’ombres qui consiste à projeter sur un écran des ombres produites par des silhouettes que l’on interpose dans le faisceau lumineux qui éclaire l’écran.

Et pour vous donner un aperçu :

 

 

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[1] Jasmine DUBE, « Le théâtre pour les tout-petits : point de vue de Suzanne Lebeau, dramaturge », in Lurelu, volume10, 1988, p28-32

[2] DUBE Jasmine, « Le théâtre pour les tout-petits : point de vue de Suzanne Lebeau, dramaturge », op.cit.

[3] CHEVROLET Gérald, Miche et Drate, Editions Théâtrales II Jeunesse, Montreuil-sous- bois, 2006.

[4] http://www.editionstheatrales.fr/catalogue.php?num=461

[5]BARTHES Roland, « Littérature et signification », Essais critiques, Seuil/Points, 1981 (1963), p. 258

 

 

30 ans!

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Quelques extraits de l’edito, pour vous présenter brièvement cet évènement:

La Fête du livre de jeunesse de Saint-Paul-Trois-Châteaux

aura lieu du 29 janvier au 2 février 2014

et elle soufflera ses 30 bougies.

thématique originale :  « Empreinte » ,

« la question de l’héritage, de la mémoire et de la transmission, à travers quelques belles histoires de passage de flambeau et.. souvenirs. »

 » incursion dans l’univers du polar et du documentaire« 

 » interactions, entre l’Homme et son milieu, l’humain et l’animal, l’Homme et ses semblables. »

 « Identités graphiques, histoires particulières, remarquables… »

 » Sérigraphie, gravure, tampon,…. techniques d’illustration« 

Pour voir plus : ici

Le Programme 2014 est en ligne et certains auteurs invités ont fait les beaux jours de l’Ouvre-livres :

ANGELI May BACHELET Gilles BEN KEMOUN Hubert BESSON Olivier DAENINCKX Didier DEDIEU Thierry DE GREEF Sabine DESCAMPS Dominique DESPLECHIN Marie DOUZOU Olivier DUFOUR Sandra ERLIH Charlotte FELIX Lucie GABRIEL Cécile GUERAUD Guillaume LAMBERT Christophe LERAY Marjolaine LEMANT Albert NORAC Carl PERRIN Renaud PETIT Xavier-Laurent PONTI Claude PRONTO RESSOUNI-DEMIGNEUX Karim ROBERT Françoise RUTER Pascal SANE Insa SMADJA Brigitte THIRY Mélusine ZAU

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Les Journées professionnelles :  avant-programme dévoilé : conférences, débats…. « La Littérature Jeunesse et l’école », « Les filles dans l’album, quelle représentation du féminin ? »,  » Illustrer le conte ? »,  » L’illustration, une affaire de transmission ? »  etc…

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Cette nouvelle édition s’annonce forte en émotions……A suivre…..