Bienvenue aux dragons, sirènes et sorcières et à leurs amis

Il faut avouer qu’il nous arrive plus rarement de présenter des documentaires. Il est encore plus rare que ceux-ci stimulent autant l’imagination que les 3 titres qui suivent, de par leur caractère fantastique qui les rapprochent de la fiction.

Atlas des sirènes de Anna Claybourne et Miren Asiain Lora, éd. Kimane, 2020.
Les légendes autour des sirènes sont réparties géographiquement et sont racontées succinctement ou plus longuement.
S’insèrent aussi des pages thématiques, par exemple sur les repaires des sirènes, de leurs palais aux grottes sous-marines. Un point commun de ces sirènes dans le monde entier est qu’elles peuvent être très serviables mais elles peuvent aussi se montrer terribles.
Et pour connaître l’histoire de Mélusine, cette sirène si discrète, mais aussi de Vadea, de Sedna, et de bien d’autres, il vous faudra lire ce livre passionnant.


L’arche aux dragons : sur la piste du dragon céleste de Curatoria Draconis et Tomislav Tomic, Milan, 2020
Cet album documentaire ravira les amateurs de fantastique. Là aussi, les dragons sont présentés par zone géographique, et de nombreuses légendes autour de ces créatures sont à découvrir. Ainsi en est-il de la vouivre qui hante nos contrées. Un bémol sur la partie livre-jeu qui incite le lecteur à collecter des indices au fur et à mesure des pages à la recherche du dragon céleste mais qui rend confus le contenu et qui n’était pas nécessaire selon moi. Par contre, les illustrations sont magiques, pleines de finesse et de dorures (!) servies par un grand format qui leur sied à ravir. Ces dragons nous font penser d’ailleurs à notre Charles tant adoré.

Mais oui vous savez : Charles à l’école des dragons de Alex Cousseau et Philippe-Henri Turin, Seuil jeunesse. Certes, Charles met plus de temps que les autres élèves pour apprendre à voler. Peut-être n’est-il pas très doué pour cracher du feu. Mais lorsqu’il déploie enfin ses ailes, Charles n’en est que plus majestueux, et son regard de poète sur le monde nous est indispensable. Je ne vais pas m’attarder sur cet album paru déjà il y a plusieurs années mais un seul conseil : (re)lisez les albums de Charles !

Et enfin, mon gros coup de cœur pour Secrets de sorcières : une initiation à notre histoire et nos savoirs de Julie Légère, Elsa Whyte et Laura Pérez aux éd. De la Martinière, 2019.

Ce livre balaye toute l’histoire des sorcières, de l’Antiquité à aujourd’hui, en passant par le Moyen-Age et la chasse aux sorcières. Arrêtons-nous un instant sur cet épisode de l’histoire si méconnu, où une femme pouvait être accusée de sorcellerie pour des raisons aussi diverses et contradictoires que « se disputer avec ses voisins, être insolente, se promener la nuit, ne pas avoir réussi à guérir quelqu’un… ou avoir réussi à guérir quelqu’un ». A tel point que certains villages se sont retrouvés dénués de presque toute la gente féminine.
Sont présentées des sorcières aussi célèbres et variées que Médée ou Hermione Granger. Et pour compléter le tout, des anecdotes et autres informations vous permettront de pratiquer la sorcellerie en toute connaissance de cause : herbier de potions, accessoires et formules magiques…
Ce livre ne cache pas son engagement et cherche à former de jeunes sorcières avisées, en faisant écho aux luttes éco-féministes récentes. Et je n’aurai pas assez d’adjectifs dithyrambiques pour qualifier les illustrations, je préfère vous laisser par vous-même juger de leur beauté.

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« Marqués » de Alice Broadway

Marques

Dans un monde où les corps sont tatoués d’une histoire de vie, complète et bien remplie, il n’est pas concevable d’être immaculé. Ni tatouage, ni histoire personnelle … au risque de devenir des Oubliés. Alors que Leora va réaliser son rêve d’enfance, devenir tatoueuse, elle est dans l’attente de la cérémonie de la pesée de l’âme de son père, récemment décédé. Mais rien ne semble se passer comme il le faudrait, et Leora va découvrir l’étrange passé de ses parents, jamais évoqué, la plongeant dans l’incompréhension, la colère et le refus.

« Marqués » nous attire tout d’abord par sa couverture joliment cuivrée, dont les illustrations semblent représenter des dessins ethniques. Il faut tourner quelques pages avant d’être réellement emballé par l’histoire, tellement le début se perd dans des détails trop confus. Le côté un peu naïf de l’héroïne et des contes proposés en parallèle du récit ont contribué également à quelques-unes de mes envies de finir ce roman prestement. Pourtant, pourtant… l’idée que toute une vie soit inscrite à même la peau – sans d’ailleurs de possibilité que ce soit autrement – m’a plutôt bien intriguée, en plus du secret révélé bien évidemment. Une Peau qui conserve les souvenirs, les caractères, les rencontres, les erreurs de toute une Vie (l’occasion de réécouter « Tatoué Jérémie » de Gainsbourg en prime – spéciale playlist d’une lectrice). Comment alors imaginer un monde où rien ne peut être caché, pardonné, effacé incitant les plus opposés à conserver une peau vierge sous de factices tatouages. Et quelle place laissée à la liberté ?

Au-delà d’une dystopie qui suggère (encore une fois – tellement récurrent en littérature pour ados actuellement) aux Jeunes de s’opposer à un certain totalitarisme, à prôner la différence, à refuser les mensonges des anciens, à espérer une société plus juste… « Marqués » a fini par me séduire avec cette idée de tatouage, marque quasi-définitive sur la peau, qui ne devrait pas être conçue comme une banalité. À une époque où la culture du tatouage touche de plus en plus les ados., c’est l’occasion idéale de découvrir un autre point de vue sur le sujet. Et puis, c’est un roman qui rappelle effectivement que les contes sont d’autres lectures de la vie. Premier roman et premier tome d’une trilogie. Promis, je reviens à l’analyse du deuxième, dès sa sortie en France. On ne sait jamais, le titre c’est « Spark« …

« Marqués« . Alice Broadway. PKJ, 2018. 17,50€ – à partir de 13 ans

Puis, … la cerise sur le gâteau !

La der des ders, et encore une journée de stage pas comme les autres. En effet, Astrid Lemonnier participe à une opération proposée par l’Agence régionale du livre et de la lecture de Haute-Normandie, « Un libraire adopte un éditeur » : http://www.arl-haute-normandie.fr/actualite-operation-un-libraire-adopte-un-editeur-585.html

Installation, la veille de la rencontre

Les agences régionales sont aussi des partenaires essentiels pour développer l’animation en librairie. Ici, l’idée, c’est de mettre en relation deux métiers du livre pour une meilleure connaissance de l’environnement et des atouts / contraintes de l’un et l’autre. C’est également l’occasion pour les éditeurs, et même auteurs, de parler au mieux de leurs écrits à des clients rencontrés dans un contexte familier et de proximité comme une librairie. Ainsi, nous passons ce samedi en compagnie de Sébastien Mousse, de L’atelier Mosésu (cf. http://www.atelier-mosesu.com) et de Sophie Jomain, auteure de romans young adults.

Ambiance inattendue à la librairie et discussions argumentées – de la part des uns et des autres – autour de la littérature et de la lecture. Et bien-sûr, séance de dédicace.

Sophie Jomain, auteure, et Sophie, jeune lectrice

Pendant ce temps-là, au rayon jeunesse, j’ai envie de vous parler de mes deux dernières lectures coups de coeur. Une collection, tout d’abord, celle de « L’heure des histoires » de chez Gallimard. De petits albums faciles à manipuler et au prix sympathique de 5,50 euros. Des auteurs et illustrateurs dont le talent n’est plus à prouver. Des contes, des aventures, des histoires d’amitié ou juste des récits de vie, tout y est pour partager un bon moment de lecture en famille ! Impossible de ne pas y trouver un thème de prédilection, de belles illustrations, des univers rêvés et un tremplin pour l’imaginaire. Début de parution en 2010 et régulièrement des nouveautés. À partir de 3 ans.

Bon, j’ai une GRANDE préférence pour « Zagazou » de Quentin Blake, publié en 2010 que je conseillerai d’ailleurs – ce n’est pas paradoxal – à tous les parents d’ados que je connais. Parce que ça fait rire et que d’un seul coup, ça fait du bien. 😉

Deuxième coup de coeur, c’est la BD « Sacha et Tomcrouz« , tome 1, d’Anaïs Halard et de Bastien Quignon, des Editions Soleil (qui publie également les Carnets de Cerise), dans la collection Métamorphose.

Un petit garçon, Sacha, curieux et très intéressé par les expériences scientifiques, se fait offrir à son anniversaire un chihuahua (alors qu’il voulait un rat…). Ce dernier, pas très docile, également curieux et plutôt fouineur, se retrouve un matin couvert d’une sorte de gelée incandescente. Est-ce cette matière qui entraîne Sacha et son chien, à leur insu, dans un autre lieu et un autre temps ? Nous le saurons sûrement au cours de leurs différentes aventures. Mais dans ce premier tome, ils devront déjà se dépatouiller et se débarrasser d’une bande de vikings féroces et pas très malins.

C’est une BD très accessible, qui plaira aux fans de fantastique, de science et de magie à partir de 9-10 ans. Il y a même des fiches qui donnent quelques repères historiques ou expliquent en détail l’expérience scientifique qui permet à Sacha, de se sortir de mauvaises situations, et tout à fait réalisable à la maison. Le dessin est frais et encourage, sans souci, l’immersion. Une série, qui devrait trouver des adeptes très vite.

En définitive et pour terminer ce « tour du propriétaire », ce stage de 15 jours fût une expérience très enrichissante. Humainement déjà (encore un Grand merci à Astrid de m’avoir accueillie), professionnellement puisque je me suis rendue compte que le métier de libraire comporte plusieurs facettes (illumination totale) dont certaines inattendues, et puis littérairement bien-sûr. La littérature de jeunesse est un champ vaste, avec des parcelles bien limitées ou pas. Les métiers, qui en assurent l’exploitation, sont nombreux et la récolte n’est pas toujours bonne. Il faut parfois éviter de suivre les sillons, en prenant quelques risques. Un travail de terrain – sur un bon terreau – permet de la connaître, de la valoriser et de la prescrire. Le circuit court demeure donc, essentiel. Du producteur au distributeur, il faut garder en tête le plaisir du consommateur : le « petit » lecteur à qui on transmet le fameux plaisir de goûter, manger, dévorer, engloutir … des tonnes de livres. Et surtout au diable les quotas !

L’espace réservé aux enfants

La librairie, côté « grands »

Une « histoire de papier », une librairie indépendante en pays de Bray. Ce n’est pas qu’une chance, pour de simples lecteurs, c’est une libraire qui – pour nous – s’est engagée !!

Secret or not secret !

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Ce n’est pas une nouveauté, certes, mais pourtant « Le secret d’Orbae » fût vraiment mon coup de coeur jeunesse de l’été ! (merci Karine pour me l’avoir glissé entre les mains fin juillet…) En préparant cet article, je me disais que nous n’avions peut-être pas assez parlé de François PLACE dans l’OL. Il y a eu quelques articles, si ! si ! Comme celui d’Emi lit (https://ouvrelivres.wordpress.com/2013/10/25/en-route-pour-des-pays-imaginaires/) mais probablement pouvions nous en rajouter un peu.

Comme vous êtes les « Luky Luke du Net » et que vous surfez plus vite que mon ombre…, vous savez déjà que « Le secret d’Orbae » dont je vais vous parler est le roman qui fait suite à la parution d’un coffret en 2011, dont vous trouverez une présentation réalisée par l’auteur-dessinateur lui-même sur son site, j’ai nommé MONSIEUR PLACE (il faut vous avouer que j’ai énormément de respect pour ce MONSIEUR là) : http://www.francois-place.fr/portfolio-item/le-secret-dorbae/

Et que ce roman est également en lien avec « L’atlas des géographes d’Orbae » paru en 1996 : http://www.francois-place.fr/portfolio-item/atlas-des-geographes-dorbae-tome1/

Comme cela, la boucle est bouclée !

Ainsi, « Le secret d’Orbae« , en cette période de rentrée scolaire (ou mois de septembre), est plus qu’approprié pour se croire encore un peu en vacances, voire continuer à « voyager ». Il faut dire que les deux héros que nous suivons dans ce récit, Cornélius et Ziyara, sont de grands aventuriers, des explorateurs, même mieux des découvreurs. Narrée en deux parties, cette histoire commence avec le point de vue de Cornélius. Marchand de draps, il quitte ses attaches, ses proches, son pays pour chercher la toile à nuages, un fabuleux tissu, léger, magnifique, peut-être magique dont il veut absolument trouver le secret. (Rien que ce nom, nous aussi, ça nous fait rêver)

Sur sa route, il rencontrera Ziyara, une femme hors du commun, capitaine de bateau, femme-dauphin, tantôt battante et décidée, tantôt fragile et esseulée. Qui mettra tout en oeuvre pour retrouver celui qu’elle aime, son âme soeur, (provisoirement) disparu alors que ce dernier pensait enfin découvrir ce secret tant espéré.

On suit le parcours de ces personnages, leur quête presque entêtante, leur belle histoire d’amour au coeur de paysages fantastiques et malgré tout magnifiques. L’univers – si particulier – de François PLACE nous transporte et on se prend à imaginer des pays qui n’existent pas, des animaux que l’on ne verra jamais, des paysages que l’on ne foulera pas. On a même en bouche le goût de mets inventés. Mais peu importe, l’effet François PLACE fonctionne et on y croit !

Un très beau récit aussi sur le plaisir de la curiosité, la découverte des autres, l’amitié et le plaisir d’apprécier la proximité. En fait, Cornélius, découvrira qu’à force de « courir » après ses rêves, de traverser les frontières, de surmonter de multiples épreuves, il a failli perdre un bonheur qui était juste à ses côtés…

À partir de 9 ans. Pour les tout jeunes lecteurs, lectrices qui aiment le fantastique, les univers particuliers, qui aiment à croire qu’ailleurs il existe bien des pays magiques et poétiques.

François PLACE, « Le secret d’Orbae« , Casterman, 2011. 9 €

En prime sur son site, François Place vous raconte un passage clé de l’histoire dans une très belle vidéo.

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