Métiers imaginaires

Un rituel du soir en chasse un autre à la maison. La nouvelle lubie du môme depuis quelques semaines: annoncer à tour de rôle les rêves qui vont peupler notre nuit. On est très vite partis sur des idées farfelues et oniriques; un exercice ludique pour développer l’imagination des petits comme des grands. Malgré tout, Papa Maman pour nourrir et renouveler leur inspiration se sont emparés du recueil des Métiers imaginaires initialement auto édité par Anne Montel via une campagne de crowdfunding sur kickstarter.

A gauche Les métiers imaginaires, Anne Montel, auto édition, 2017
A droite Abécédaire des métiers imaginaires, Anne Montel, éditions Little Urban, 2020

A l’occasion du rendez-vous de février du challenge littéraire #challengeliredetout sur Instagram invitant à mettre en lumière un ouvrage autoédité, Anne Montel a accepté de dévoiler les coulisses de la création de ses Métiers imaginaires, un album au fort potentiel poétique, texte et images confondus.

  • Comment est née l’idée de ce projet d’auto-édition? 

Depuis mon premier projet d’auto-édition « La Grande Machinerie du petit N’importe quoi », j’avais envie de recommencer l’expérience. Ce livre regroupait mes dessins réalisés dans le cadre du challenge « Inktober » 2016, un événement annuel ouvert aux illustrateurs amateurs ou professionnels, qui consiste à réaliser 1 dessin par jour en octobre. Lorsque j’ai de nouveau participé en 2017, j’ai naturellement eu envie de réitérer l’expérience. Par contre, je ne sais pas si je recommencerai un financement participatif ; c’est à la fois très excitant et cela permet d’être soi-même aux commandes de décisions qu’on ne maîtrise pas dans le schéma classique d’édition, mais c’est surtout énormément de travail comptable, de manutention et autres tâches pas hyper épanouissantes.

  • Album auto-édité/abécédaire édité. Peux-tu revenir sur le travail éditorial effectué avec Little Urban? Est-ce la maison d’édition avec qui tu collabores régulièrement qui t’a approchée ou une volonté de ta part d’étoffer ton recueil?

Lors de son impression en auto-édition, le recueil de métiers imaginaires n’était pas sous la forme d’un abécédaire. C’est une idée de mon éditrice chez Little Urban. Loïc Clément (mon auteur préféré) m’a de son côté poussé à décliner de courtes histoires pour chaque lettre. Ce travail mené en collaboration avec ma maison d’édition a permis d’apporter une vraie plus-value à cette nouvelle exploitation. C’est moi qui les ai sollicités pour donner une nouvelle vie à l’ouvrage. Nous avons une très belle relation et j’étais ravie qu’ils accueillent mon projet à bras ouverts pour lui donner une seconde vie. Nous en sommes déjà à la seconde impression, et j’espère que cet album pourra vivre encore longtemps malgré sa sortie juste avant le premier confinement.

Un répertoire de 31 aquarelles au fil d’octobre
devenu 26 illustrations au fil de l’alphabet et toujours des métiers enchanteurs
  • Tu as confié récemment sur les réseaux et dans la presse travailler à une œuvre très personnelle où tu signerais texte & illustrations. Est-ce que cette première expérience d’autrice-illustratrice avec tes métiers imaginaires t’a enrichie, t’a aguerrie peut-être ?

J’ai en effet un projet de BD autobiographique en tant qu’ « autrice complète ». C’est un immense pas, scénariste étant un métier à part entière dont je ne maîtrise pas entièrement les codes. Heureusement, j’ai un auteur talentueux à la maison pour pouvoir me guider, sinon je serais un peu paumée ! J’ai aussi un projet d’album jeunesse qui attend sagement d’être contractualisé, en tant qu’autrice seulement. Je prends confiance petit à petit. C’est surtout le besoin d’exprimer et partager des choses au-delà du visuel qui m’anime. Dans cette période de multi-confinements, je ressens plus que jamais l’urgence de dire des choses à une assemblée plus large qu’au sein de mon foyer.

Pour en savoir plus sur l’univers d’Anne Montel, retrouvez la discussion en 3 parties avec son binôme préféré Loïc Clément et notre Gaëlle ici, et mais aussi une interview gourmande sur le blog La boîte à bonbecs des collègues bibliothécaires jeunesse de Chambéry ici!

Discussion avec Loïc Clément et Anne Montel (partie 2)

Avec Loïc et Anne, le temps passe vite pendant ce confinement ! Les sujets surgissent sans même qu’on y réfléchisse. Chacun dans notre coin nous réfléchissons aux thèmes que l’on souhaiterait aborder.

Après avoir parlé de la critique dans la 1e partie de la discussion, nous avons abordé la production BD jeunesse actuelle.

Gaëlle : Maintenant j’ai envie de parler avec vous de la singularité de vos albums. Un peu isolés au milieu d’un secteur BD jeunesse plutôt formaté et ancré dans des habitudes qu’il semble difficile de bousculer. Depuis 20 ans, je suis libraire jeunesse et bande-dessinée. J’ai exercé ce travail dans tous types de structures allant de la minuscule librairie spécialisée jeunesse du réseau « Sorcières » à la gigantesque FNAC, en passant par une librairie généraliste et désormais une librairie spécialisée BD. Si le métier était parfois différent en fonction des lieux et des pratiques des enseignes, j’ai en revanche partout été confrontée au même constat à propos de la BD jeunesse. Il s’avère que je suis de plus en plus déçue par cette partie de la production et j’ai bien du mal à comprendre que la créativité qui gît dans la BD Adultes et dans l’illustration jeunesse ne se reporte pas sur les BD destinées aux plus jeunes. Avec les années, j’ai de moins en moins d’enthousiasme à lire de la BD pour enfants. Tous les ans : des Schtroumpfs, des Boule et Bill, des Kid Paddle… Voire même plusieurs fois par an des Mortelle Adèle, des Légendaires (on pourrait presque dire plusieurs fois par mois au vu du nombre de sous-séries) etc. Au final je pense ne pas avoir plus de 10 coups de cœur par an.

Loïc : Oh, moi j’aime beaucoup les Légendaires ! Je ne connais pas tout hein, mais de ce que j’en vois c’est un peu le Saint Seiya de mon enfance version française. Ça a l’air d’être fait sans cynisme et avec beaucoup de sincérité donc moi ça me touche…

Gaëlle : Certes, mais de mon point de vue de libraire qui aime très fort la BD, j’attends de la variété, de l’originalité, des surprises… A l’inverse, au vu de la quantité de séries qui sont entretenues chez tous les éditeurs depuis des années, c’est un éternel recommencement. Heureusement, quelques fois l’an un album surgit, m’émerveille, me redonne foi en la bande dessinée pour enfants. Vos albums, Loïc et Anne, sont de ceux-là.

Je m’interroge donc : n’avez-vous pas eu du mal à imposer vos livres dans cet univers si formaté ?

Loïc : Quand on a commencé ce métier en 2010, dans leur écrasante majorité, les éditeurs ne nous répondaient pas ou quand on obtenait une réponse, elle était négative.

Par exemple Le Temps des Mitaines a été refusé partout, vraiment partout. Heureusement qu’Anne avait fait un album d’illustration jeunesse chez Didier Jeunesse et que ces derniers voulaient se lancer dans la Bd à l’époque. Il faut dire qu’on arrivait avec un olni (objet livresque non identifié) de 120 planches pour la jeunesse avec des thématiques un peu sombres donc difficile d’en vouloir à qui que ce soit de ne pas être partant…

Quand l’album a été sélectionné à Angoulême ensuite, ça a eu pour conséquence de nous faire un peu reconnaitre. Résultat, on a pu nouer des dialogues avec certains directeurs de collection. La chance que moi j’ai eu à cette époque ça a été de rencontrer Thierry Joor, l’éditeur de ma copine Séverine Gauthier dont je suis fan. Elle faisait des Bds sombres, sensibles et poétiques chez Delcourt Jeunesse (Garance, Mon arbre, Aristide broie du noir, L’Homme Montagne, Cœur de pierre…) et j’ai trouvé en lui un partenaire de création. Ainsi j’ai trouvé un foyer pour toutes mes histoires mélancoliques aux thématiques hyper dures. Mais soyons clairs, sans Thierry, personne ne signe mes histoires des Contes des Cœurs Perdus qui parlent de dépression, maladie, harcèlement scolaire. Le Voleur de Souhaits, Jeannot, Chaussette, Chaque Jour Dracula, Le Silence est d’Ombre, je crains sincèrement qu’aucun de ces livres ne puisse exister ailleurs… J’ai souvent raconté cette histoire mais pour Chaussette qui parle du deuil par exemple, un autre éditeur m’avait demandé que personne ne meurt dans ce livre… Tu imagines ça ? Le cœur du livre qu’on te demande d’enlever ?

Bref, j’ai eu du bol de rencontrer Thierry qui comprend parfaitement ce qu’on veut faire à chaque fois. Il a même créé une nouvelle collection autour de mon travail de scénariste et de mes collaborations avec Anne, Sanoe, Bertrand Gatignol, Clément Lefèvre, Carole Maurel… signe qu’il y croit et qu’il est demandeur pour de prochains…

Anne : Oui, Thierry mais Pauline Mermet aussi ! J’ai eu l’occasion de la rencontrer chez Dargaud avant même la sortie des Mitaines et le courant est vraiment bien passé dès le début entre nous. Nous avons discuté de divers projets mais rien de concret au départ. D’ailleurs, elle non plus ne souhaitait pas publier Le Temps des Mitaines, car elle n’arrivait pas à cerner l’univers.

Loïc : Oui, en même temps on est jamais hyper bons pour pitcher nos projets donc bon…

Anne :  Voilà. En tout cas, à ce moment-là Loïc a échangé avec elle sur une histoire d’amour, un projet adulte. Ensuite on s’est réunis tous les trois dans un café et j’ai assisté à un drôle d’événement, une sorte de symbiose de communication étrange qui s’est créée entre Pauline et Loïc. Ça a été la naissance de quelque chose de très joli, avec des idées qui germaient dans l’esprit de l’un, parfaitement comprises par l’autre et que je retranscrivais ensuite en images.

Ainsi est paru Les Jours Sucrés.

La confiance établie entre nous a par la suite permis de donner un second souffle aux aventures du Temps des Mitaines, puisque repris par Dargaud en 2020. C’est une vraie chance pour nous de pouvoir faire revivre nos personnages aux côtés d’une éditrice comme elle.

J’ai personnellement quelques soucis à rouvrir le premier tome tellement j’y trouve mon dessin affreux (ça commence à dater !), mais je suis vraiment contente d’avoir pu refaire la couverture et donner un nouvel écrin à cette BD.

Loïc : Donc pour résumer, comme on propose toujours des projets peu glamours ou mal expliqués, on avait du mal à les placer à nos débuts, mais maintenant qu’on travaille en confiance avec nos éditeurs, c’est plus simple. On est même sollicités parfois aujourd’hui sur la base de nos livres existants, donc c’est encourageant.

Gaëlle : Ce que j’apprécie particulièrement dans vos livres c’est que l’on sent que vous ne prenez pas les enfants pour des idiots. Que ce soit par le choix des sujets traités comme tu le disais Loïc (dépression, mort, harcèlement…) ou par le vocabulaire employé.

Loïc : C’est marrant cette histoire de vocabulaire parce que ça revient très souvent dans les retours qu’on nous fait. Je me rappelle d’une dame qui avait rédigée une critique des Mitaines où elle était épatée par les registres de langue employés dans la BD. Langage soutenu pour Gonzague, courant pour Arthur, en patois bordelais pour Pélagie… Je ne pensais pas que ce travail de l’ombre se remarquerait, c’est étonnant…

Et pour les textes des autres livres, je me demande si la préciosité qu’on peut éventuellement déceler ne tient pas à leur forme première. Avant d’en faire un scénario de BD, j’écris toujours l’histoire sous forme d’une nouvelle (mon genre littéraire préféré…)

Gaëlle : Pour ma part je regrette que l’on ne soit pas plus exigeants en matière de Bande dessinée pour enfants et de littérature jeunesse en général. J’ai commencé à y prêter attention il y a une dizaine d’années quand la Bibliothèque Rose a entrepris de saccager les livres de mon enfance, Le Club des cinq. Il y avait d’ailleurs eu un article sur un blog qui m’avait beaucoup marqué : https://citoyenfn.wordpress.com/2016/01/18/le-club-des-5-et-la-baisse-du-niveau/ 
J’avais même écrit à la directrice de collection pour lui dire à quel point ça m’énervait. Sa réponse avait été quelque chose comme « les transistors les enfants ne savent plus ce que c’est ». J’ai eu l’impression d’avoir mille ans ou plus.

Je fais partie de ceux qui pensent que les livres sont là pour apprendre et découvrir et qu’ils nous fournissent le vocabulaire nécessaire pour le reste de notre vie. Alors je ne pense pas que de tout rédiger au présent et de simplifier les textes soit une solution. A l’époque j’avais comparé les deux versions d’un Club des cinq avant et après la réécriture, ça n’avait plus la même saveur. Ou peut-être étais-je désormais trop vieille tout simplement !

Et vous, quelles règles et limites vous fixez-vous sachant que vous vous adressez à des enfants ?

Loïc : Aucune. A dire vrai, je ne sais même pas ce que c’est que de faire de la BD jeunesse. J’écris sur les sujets qui me touchent, avec le vocabulaire qui me semble pertinent et ça finit dans une case jeunesse parce que les héros sont jeunes. J’écris de la même façon pour les adultes et ça finit en adulte parce que les héros sont plus âgés. C’est la première fois que je le formalise comme ça mais ça me semble assez juste.

Anne : En effet, on ne se pose vraiment pas la question du public. Ça pourrait paraître stupide ou égoïste, mais on fait avant tout des livres qu’on aimerait lire.

Personnellement, je lis rarement de littérature « adulte », ce qui m’intéresse est toujours catalogué « ado » ou « jeunesse », alors que ce sont des livres qui s’adressent à tout le monde. Mes livres préférés sont les Harry Potter, qui m’ont transportée enfant et ont le même effet aujourd’hui. J’ai dévoré les Pullman, et si à l’époque je lisais tout Marie-Aude Murail, j’y trouve encore un plaisir énorme à ce jour.

Concernant le dessin, c’est vraiment pareil, je dessine comme j’en ai envie. Il se trouve qu’on qualifie souvent mon dessin de jeunesse, ce qui est un atout par rapport aux thématiques sombres abordées par Loïc, cela permet d’adoucir le propos.

Loïc : C’est clair que tu prends Les Chroniques de l’Île perdue chez Métamorphose, qui est une BD horrifique pour enfants et qui parle de la violence entre frères, et tu mets un dessin réaliste à la place de celui d’Anne : aucun gamin n’en ressortirait indemne ! C’est un peu la même chose avec Le Collège noir d’Ulysse Malassagne ou Les Bergères Guerrières de Jonathan Garnier et Amélie Fléchais cela dit… En tout cas, on est vraiment très complémentaires Anne et moi.

Pour revenir à ta question des « limites » parce qu’on s’adresse aux enfants, pour moi c’est exactement cela qui peut conduire à faire de mauvaises bds. Les enfants sont pas des débiles profonds à qui on ne peut rien dire. On peut aborder TOUS les sujets avec eux.

Gaëlle : Je rebondis sur ce que vous dites, j’ai moi aussi l’impression parfois que la seule différence entre un livre pour enfant/ados ou adultes au final, c’est l’âge du personnage ! Le besoin d’identification est revendiqué par les parents comme principal critère de choix lorsqu’ils achètent pour leur enfant. Au quotidien dans mon rôle de conseillère, j’entends des choses qui me font hurler. Et il est très difficile de faire bouger les lignes !

Je vous donne quelques exemples :

« C’est l’histoire d’un garçon… », on me répondra, oui mais c’est pour une fille (et vice-versa et encore pire dans l’autre sens d’ailleurs).

La chose la plus étonnante que j’ai entendu ces derniers temps c’est à propos de Lettres d’amour de 0 à 10 ans. L’adaptation BD a pour couverture Ernest et sa copine Violette tout deux âgés de 10 ans et se promenant avec le petit frère de celle-ci dans un porte-bébé. Voici ce qui m’est revenu aux oreilles :

  • Non ma chérie, l’amour c’est pas de ton âge !
  • Ça n’ira pas elle a 11 ans.
  • Non mais je vais pas acheter l’histoire d’un couple d’enfants qui a eu un bébé !

Un autre jour, je devais trouver une BD humoristique pour un petit garçon d’une dizaine d’années qui appréciait beaucoup Mortelle Adèle et d’autres séries de gags. Je propose Dad, me disant que ça risquait de tiquer sur le fait que ce ne soit que des filles mais puisqu’il aimait Adèle, j’ai tenté ma chance en pensant que ça conviendrait. Les filles n’ont pas été l’obstacle. Le problème c’était le balai… La cliente n’en a pas voulu parce que ça la gênait que les rôles soient inversés et que le papa fasse le ménage et s’occupe des enfants. Elle a trouvé qu’il était un mauvais exemple (c’était peut-être plus par rapport aux 4 mamans qu’à cause de l’aspirateur…).

Loïc : C’est tellement déprimant… Et après on me demande pourquoi je suis misanthrope…

Gaëlle : Il y a une anecdote que j’aime bien raconter à propos d’une de mes BD favorites : Momo de Jonathan Garnier et Rony Hotin. Je conseille cette BD à tour de bras et je commence à avoir un joli sac de remarques faites par les clients à son propos. Un jour, je me suis aperçue que la plupart des gens avaient acheté cet album en pensant que Momo était un garçon ! Il est vrai qu’elle a les cheveux courts et même encore plus courts dans le t2 et que son prénom n’évoque rien. J’en ai parlé un jour avec Jonathan en lui demandant si c’était un coup de génie de sa part ou un hasard total puisque grâce à cette méprise beaucoup de petits garçons ont lu la BD. Il était surpris que je lui raconte ça et n’avait jamais imaginé qu’on puisse se méprendre sur le personnage. Mais l’équivoque fonctionne parfaitement ! Comme quoi, le succès est aussi possible pour des livres en marge de la production.

Mon sentiment, c’est que dans beaucoup de BD pour enfants on sent qu’il y a un genre de cahiers des charges implicite (de préférence un duo garçon + fille, de préférence une série, de préférence ceci ou cela…) qui ôte, d’après moi, toute originalité. C’est ce qui me plaît dans vos ouvrages, c’est qu’on ne trouve pas ces ingrédients redondants que la plupart des éditeurs semblent imposer. Non seulement Loïc tu fonces dans le tas en proposant des sujets sérieux, et toi Anne ton dessin n’a rien à voir avec ce qui se pratique habituellement.

Loïc : Résultat : nous ne sommes pas ce qu’on appelle de « gros » vendeurs ! Ha ha. C’est vrai, sans rougir de nos chiffres de vente, le bilan comptable montre que nous ne sommes pas forcément des exemples à suivre dans le sens où l’on ne produit pas de best-sellers.

Concernant un genre de cahier des charges implicite, je vais peut-être te surprendre mais je l’ai vraiment, vraiment ressenti en édition jeunesse et pas vraiment en BD. En jeunesse, à part chez Little Urban où avec Anne on peut faire ce qu’on veut (t’as qu’à voir, le prochain Professeur Goupil – série de romans Premières lectures pour enfants – parle de la dépression post-partum…), les contraintes des éditeurs sont très fortes. Il faut faire ci, on peut pas faire mi, holalalala ce sujet c’est pas possible… J’ai mille anecdotes là-dessus.

Alors qu’en BD, on nous a jamais dit ce qu’on doit faire sur le fond. Par contre sur la forme oui, là je suis d’accord avec le côté série, pagination…

Gaëlle : Anne, tu aimes beaucoup le travail de Camille Jourdy, tu es sûrement ravie du succès des Vermeilles qui rafle tous les prix jeunesse cette année ! Son univers et le tiens ont beaucoup de choses en commun : la minutie, la douceur, les couleurs pastel, les décors d’une précision extrême… Il m’est parfois revenu aux oreilles de la part d’auteurs jeunesse que les éditeurs refusent leurs projets sous couvert que ce serait trop original. Quand je vois le succès de ce livre qui va à rebrousse poils de presque tout ce qui se fait en BD pour enfants (l’épaisseur de l’album notamment que je craignais être un obstacle), ça nous permet d’être optimiste pour la suite et d’espérer d’une plus grande diversité, non ?

Anne : Oui, j’ose penser que le succès de ce genre de livre ouvre des portes pour les autres par la suite. Des livres pas calibrés mainstream qui pourront exister parce que Les Vermeilles notamment a ouvert la voie. Je crois que c’était aussi une appréhension de Camille Jourdy, que le livre ne trouve pas son public : dessins qui tirent vers le « jeunesse » mais épaisseur d’une BD adulte… mais le pari est magiquement relevé ! Enfin je l’espère pour elle, car nous savons tous les trois qu’un succès critique ne signifie pas forcément un succès commercial.

Loïc : Je rebondis un peu à côté volontairement mais bien sûr qu’on peut appeler de ses vœux à toujours plus de diversité… toi qui est libraire, est-ce que tu n’es jamais interpelée par le mimétisme pour ne pas dire parfois la copie ? Tu as un titre qui va marcher genre une jeune fille avec un sacré caractère et ensuite tu vas avoir une palanquée de séries à suivre derrière avec peu ou prou le même modèle… Tu l’as déjà constaté, ça ?

La suite au prochain épisode…

Feuilles d’automne

On reprend cet automne une année de « Je lis, tu dessines » avec une thématique de saison puisqu’on s’est arrêté sur les feuilles d’arbres. On suit toujours le même principe avec le groupe d’enfants âgés de 6-11 ans du centre de loisirs local, à savoir un rendez-vous matinal pour écouter une sélection d’histoires à la bibliothèque et un après-midi consacré à une activité plastique qui s’inspire du thème du jour ou d’un des livres en particulier sous la houlette de leur animateur. Aujourd’hui, après avoir fait la cueillette de feuilles diverses et variées, les enfants vont se lancer dans la confection de feuilles en papier multicolores à l’image de cette maman russe dont le compte Instagram regorge d’autres belles propositions automnales:

Quant à notre racontée, la voici détaillée:

Intro : extrait du livre-lu Bulle et Bob dans la forêt, chanson « Les feuilles craquent », Nathalie Tual, Gilles Belouin, Ilya Green, Didier Jeunesse, 2018

Danse avec les feuilles, Isabelle Simon, Editions du jasmin, 2018

Une journée de bûcheron, Arnaud Nebbache, Kilowatt, 2018

Cet album documentaire découvert l’an dernier et chroniqué ici est à bruiter avec différents sons tirés d’une sonothèque par exemple.

  1. Réveil
  2. Exercices du matin
  3. Croix sur les arbres
  4. Toc toc toc
  5. Ecureuil
  6. Forêt
  7. Pas dans la neige
  8. Vent glacial
  9. Hâche
  10. Arbre qui tombe n°2
  11. Feu de bois
  12. Menuiserie
  13. Baillements

 

Le doudou des bois, Angélique Villeneuve, Amélie Videlo, Sarbacane, 2016

Anton et la feuille, Ole Könnecke, L’école des loisirs, 2007

Du balai, Louise Greig, Julia Sarda, Little Urban, 2018

Parler avec les arbres, Sara Donati, Rouergue, 2018

A lire en écoutant Gymnopédie n°1 d’Eric Satie

Rikimini, Marie-Sabine Roger, Alexandra Huard, Casterman, 2012

Ours qui lit, Eric Pintus, Martine Bourre, Didier Jeunesse, 2006

J’ai découvert ce conte randonnée sur le blog de Blisscocotte qui l’utilise avec sa version tapis à raconter et qui a conçu un prolongement ludique et pédagogique; tout est expliqué ici.

Rouge-feuille, Eric Wantiez, Juliette Parachini-Deny, Cépages, 2016

Maison(s)

Réfugions-nous dans quelques maisons de papier pour cette dernière racontée de l’année spéciale « Je lis, tu dessines ». L’après-midi sera consacrée à la fabrication de maisons diverses et variées à partir d’enveloppes telle que le blog de Maman Nougatine nous l’avait inspiré ici.

La racontée en détails:

Rien du tout, Julien Billaudeau, Grains de sel, 2016

Au début, il n’y avait rien. Rien du tout. Bien sûr, ici ou là, il y avait quelques arbres. Mais ce n’était presque rien… Jusqu’à l’arrivée de Monsieur C. …

 

La clé sous la porte, Julia Chausson, A pas de loups, 2018

C’est armée de mon trousseau de clés merveilleux que nous ouvrons ce livre-jeu pour une enquête au royaume des contes de fées. L’idée de Julia Chausson a été de mêler de mystérieuses petites annonces à ses gravures enchanteresses. Mais à qui peuvent bien appartenir ces étranges clés d’un temps passé?

 

Voici notre maison, Fiep Westendorp, Albin Michel Jeunesse, 2016

Pour cet album aux phrases minimalistes, nous vous proposons une lecture bruitée dont les sons ont été piochés sur le site de la sonothèque. L’héroïne chemine de page en pièce et un son particulier l’accompagne en complétant le récit textuel lors de la visite de sa maison. Voici les liens vers notre sélection sonore:

Porte d’entrée qui grince

Cuisine

Cheminée du salon

Verre cassé

Oiseaux

Chasse d’eau

Ronflements

Miaulements

Train électrique

Horloge

RDV sur notre compte Instagram pour découvrir une vidéo de cette lecture bruitée 😉

 

Les voisins, Einat Tsarfati, Cambourakis, 2017

L’artiste dévoile les vies inventées des familles de voisins de l’immeuble habité par une petite fille à l’imagination débordante. Chaque page ouvre ainsi la porte d’un appartement différent, dévoilant les vies cachées des divers étages de l’immeuble. Titillant la curiosité de chacun, cette histoire cultive l’imaginaire tout en rappelant joyeusement la nécessité d’une bienveillance et d’une tolérance face aux mœurs des uns et des autres.

 

La maison des bisous, Claudia Bielinsky, Casterman, 2017

Voici un petit ours en quête de bisous. Tu veux l’aider à chercher qui voudra bien l’embrasser ? Pour cela ouvre la porte, soulève les couettes et les tapis, écarte les rideaux, regarde dans les placards… et fais plein de rencontres surprenantes et rigolotes. Bienvenue dans la maison des bisous ! Des flaps à soulever pour entamer une chouette collection de bisous : bisou prout de mammouth, bisou de crapaud vilain pas beau, bisous de fourmis guilis guilis…

Qui fonctionne aussi bien avec les tout-petits qu’avec des plus grands 😛

 

Belle maison, Anaïs Brunet, Sarbacane, 2017

L’été est là. La narratrice, somnolante, est soudain réveillée par le bruit d’une clé fourrageant dans sa serrure : ses chers enfants sont revenus ! Comme on le découvre aussitôt, cet être sensible, impatient des jeux qui s’annoncent, est une maison de famille au charme suranné, édifiée au bord de la mer. Douée de raison et de la force d’aimer, elle vibre et s’émerveille…

 

Une maison pour quatre, Gilles Bizouerne, Elodie Balandras, Syros, 2015

Tigre, Eléphant, Serpent et Hibou se rencontrent un jour et ont une drôle d’idée : « Et si on construisait une maison ? » En utilisant les capacités de chacun, les quatre animaux construisent une pièce avec les moyens du bord. Mais la nuit leur réserve bien des surprises…

 

On déménage, Alice Brière-Haquet, Barroux, Little Urban, 2016

À vendre petite maison qui renferme les heureux moments partagés avec Papa, Maman, mon grand frère et moi… Un texte génial d’Alice Brière-Haquet conçu comme une petite annonce immobilière mêlé au graphisme tendre et coloré de Barroux pour appréhender un déménagement en douceur.

 

Grandimage « Chez Mémé », Cécile Gambini, La maison est en carton, 2011

Carnaval des animaux, Camille Saint-Saëns, Pépito Matéo, Vanessa Hié, Didier Jeunesse, 2011

Lire le texte de Cécile Gambini sur le paravent puis écouter le « Final » tiré du Carnaval des animaux pour illustrer en musique la recherche des détails de la Grandimage préalablement distribués aux enfants.

Nous avons clos le projet 2018-2019 par un goûter où les parents furent conviés à la bibliothèque afin de découvrir l’exposition de toutes les productions ainsi que les sélections de livres thématiques.

Au coeur de la nuit

Pour cette nouvelle séance de « Je lis, tu dessines », nous voilà réunis autour d’un feu de camp réalisé en papier d’après des visuels glanés sur la toile pour se croire au cœur de la nuit, le temps d’une veillée contée, et non en plein jour à la bibliothèque!

La racontée en détails:

Nuit de rêve, Laurent Moreau, Actes sud Junior, 2012

Ecouter « L’aquarium » tirée du Carnaval des animaux, Camille Saint-Saëns, Pépito Matéo, Vanessa Hié, Didier Jeunesse, 2011 pour illustrer en musique cet album sans texte

Lancer le son des grillons la nuit pendant la suite de la racontée

 

Bonne nuit Monsieur Renard, Kathrin Schärer, Âne bâté, 2009

 

Le petit chaperon rouge, Clémentine Sourdais, Hélium, coll. « Contes en accordéon », 2012

Lecture tout en ombres chinoises avec une lampe, l’idéal étant de pouvoir créer de la pénombre pour la racontée

 

Dix cochons sous la lune, Lindsay Lee Johnson, Carll Cneut, La Joie de lire, 2011

Mettre en musique la lecture de certaines pages à l’aide d’une sanza

 

Que fait la lune la nuit ?, Anne Herbauts, Casterman, 1998

 

Bonne nuit, Charlotte Zolotow, Bobri, BNF/Albin Michel Jeunesse, 2015

 

Mais que font les parents la nuit ? Thierry Lenain, Barroux, Little Urban, 2017

 

Du bruit sous le lit, Mathis, Ed. Thierry Magnier, 2004

 

La bête de mon jardin, Gauthier David, Samuel Ribeyron, Seuil Jeunesse, 2017

 

Nous avons rendez-vous, Marie Dorléans, Seuil Jeunesse, 2018

 

Quelques pistes d’activités plastiques & prolongements :

Le centre de loisirs a choisi de faire des dessins sur des feuilles noires à l’aide de craies grasses et  de représenter la nuit étoilée, la lune, des feux d’artifices mais aussi des bulles et bien d’autres choses tout droit sorties de l’imagination des enfants…

 

D’après Promenade de nuit, Lizi Boyd, Albin Michel Jeunesse (épuisé à ce jour)

Sur une feuille noire, on colle un rayon de lumière réalisé avec un morceau de papier blanc et on créé son paysage aux crayons de couleur et à la craie, c’était la belle proposition du blog Bavard’âge.

 

Pourquoi ne pas fabriquer des cartes à gratter? Cela peut faire l’objet d’une séance en amont de la racontée par exemple. De nombreux tutos sont disponibles sur le net ou bien une quantité de modèles est en vente dans le commerce.

 

Si vous avez du temps, songez à vous procurer de la peinture phosphorescente et/ou fluorescente. Voilà ici un article expliquant simplement la différence entre les deux procédés souvent confondus et précisant une sélection de produits et marques s’y rapportant.

Vous pourrez alors immerger les enfants dans une pièce éclairée par une ampoule ultraviolette aussi appelée « lumière noire » pour la séance de peinture ou fabriquer une boîte dans laquelle vous placerez la source lumineuse UV afin que le groupe observe leurs illustrations apparaître…

De nombreuses propositions sont répertoriées sur le net à l’instar de celle de cette maman qui a conçu une séance pour le bain! Son article ici.

 

Pour prolonger le plaisir du fluo et du phosporescent, vous pouvez aussi organiser un temps de lecture dans le noir munis d’une lampe UV avec des livres tels que…hep hep hep! ça fera l’objet d’un prochain post avec une sélection lumineuse!