Sélection de Noël, les romans

Les contes de Petit Duc

 

Les contes de Petit Duc, de Jérémy Fischer et Jean-Baptiste Labrune, ed. Magnani, 25,90€.

Alors là ! Mais alors là, nul doute qu’on tient là une merveille que personne ne va remarquer et ça va m’énerver. Je ne vous fais pas l’éloge de la couverture, vous voyez vous-même comme elle en jette. Et l’histoire, et bien l’histoire, elle est universelle, intemporelle, intelligente. C’est un livre dont on fait ce qu’on veut ! On le lit comme un conte aux plus jeunes qui s’amuseront des noms improbables et foufous des peuples qui sont les héros de l’histoire. Certes vous galèrerez un peu à les lire mais quelle joie quand on y parvient. Si vous butez sur ces patronymes imprononçables, refilez le bouquin à un enfant qui lit tout seul et je ne doute pas qu’il s’en emparera. Au pire, il y aura bien un adulte dans le coin qui se dira : mais c’est quoi ce livre avec de si belles couleurs ? Un roman illustré pour tous, qui fait sautiller de joie par ses sublimes illustrations et son propos fort malin !

Véronique Ovaldé et Joann Sfar - A cause de la vie.

A cause de la vie, Joann Sfar et Véronique Ovaldé, ed. J’ai Lu, 7,90€.

Voilà donc un livre dont on ne sait si c’est une BD, un roman graphique ou allez savoir quoi encore. Et quelle importance ? Quand on est à ce point pris dans le tourbillon de l’histoire et happé par la beauté des mots, plus rien d’autre ne compte que le plaisir de lire.
Un magnifique roman avec la taille d’une BD et des dessins de Sfar dedans ! Et un peu de Perec et d’Amélie Poulain. Énorme coup de cœur que j’ai serré dans mes bras en le terminant.

Dès 11-12 ans. existe aussi en grand format chez Flammarion.

Malika Ferdjoukh - Broadway Limited Tome 2 : Un shim sham avec Fred Astaire.

Broadway limited t2, un shim-sham avec Fred Astaire, de Malika Ferdjoukh, ed. Ecole des loisirs, 18,50€.

Je ne sais pas si c’est flatteur mais ce roman c’est l’équivalent d’une bouillotte en plein hiver dans une chambre humide. Je peinerai à décrire la joie de retrouver toute la maisonnée dans ce tome 2 ! Probablement le livre « jeunesse » que j’attendais le plus ces dernières années. Et il est là, il ne déçoit pas. Malika Ferdjoukh est toujours la reine de la littérature pour ados, elle sait comme personnes trouver les formules qui font mouche et les métaphores qui sonnent dans nos têtes. Encore un grand roman, à faire lire à tous les adultes.

Ados/adultes.

Jefferson. Jean-Claude Mourlevat. Gallimard jeunesse, 2018. 13, 50 € – à partir de 9/10 ans

Comme souvent, je n’ai rien à redire sur le choix de la thématique, l’écriture, l’angle d’attaque, le style et la vivacité de cet auteur. Dans « Jefferson« , il revisite « La Ferme des animaux » en quelque sorte et nous propose un monde dans lequel les animaux parlent, réfléchissent, aiment, lisent… et dans lequel un crime est commis. Jefferson, notre héros, un hérisson très élégant et intelligent, va être accusé à tort du meurtre et va décider, avec son meilleur ami Gilbert le Cochon, de se rendre chez les humains, persuadé que s’y trouve l’énigme de cette drôle d’histoire. Ce qu’il va découvrir, dépassera bien-entendu son imagination. Une fine sensibilisation à la cause et maltraitance animale. Comme dirait l’Autre, de temps en temps simplement se placer de l’Autre côté…

L’archipel, T1 et 2. Bertrand Puard. Casterman, 2018. 16 € – dès 12-13 ans

C’est une première lecture de cet auteur, en ce qui me concerne, car je n’avais pas du tout lu la série des « Effacés« . Yann et Sacha se ressemblent comme des frères, à tel point que l’un – recherché par la police – s’appropriera l’identité de l’autre, retrouvé enfermé dans une prison (la fameuse Archipel) pour expier des fautes qu’il n’a pas du tout commis. Un récit polyphonique, un rythme soutenu, des rebondissements, de grands mystères (ben oui, pourquoi se ressemblent-ils tellement ??) et des ados qui en ont assez d’être manipulés. Bref, un bon roman d’espionnage et d’aventures. On voyage, on voyage…  Le tome 3 ne devrait tarder. Pour les amateurs de suspense.

Sauveur & fils, T4. Marie-Aude Murail. Ecole des loisirs, 2018. 17 €. À partir de 13 ans. 

Même si sa parution date un peu (janvier 2018), ça me paraît une excellente idée de cadeau pour poursuivre cette aventure littéraire avec Sauveur, son fils Lazare et tous les personnages rencontrés dans son cabinet de psychologie auxquels, tome après tome, on a fini par beaucoup s’attacher. Marie-Aude Murail a bien ce talent de nous raconter des histoires comme si on écoutait – au coin du feu (c’est mieux !) – les confidences et vies de nos voisins, de nos copains, de notre entourage… Une truculente familiarité. Et pas que de la bobologie.

J’ai suivi un nuage. Maëlle Fierpied. Ecole des loisirs, 2018. 12,50 € – À partir de 9-10 ans.

Mon réel coup de coeur de cette année ! Le sujet très particulier – la maladie psychologique – en fait un de ces romans qui encouragent à discuter, échanger pour mieux comprendre. Mais pas d’inquiétude, la thématique est finement amenée et le point de vue de l’enfant rend le sujet plus lisible et touchant. Beaucoup de tolérance et d’amour pour sa maman ! D’ailleurs, comment ne pas penser au roman d’Olivier Bourdeaut « En attendant M. Bojangles », en le lisant. Des romans qui changent profondément notre façon de voir (juger) les « dérangeantes » choses de la vie.

Marie-Curie

Marie Curie. Isabel Thomas ; A. Weckmann. Gallimard jeunesse, 2018. (Coll. Les Grandes vies). 9,90 €. À partir de 8 ans.

Ce « petit » documentaire se lit tout comme un roman, et explique simplement – avec des termes très accessibles – les origines, l’histoire et les grandes recherches et découvertes de Marie Curie. Les illustrations, au peps incontesté, appuient le propos, l’égayent mais aident aussi à la compréhension. À dispo. également dans cette collection, Nelson Mandela, Frida Kahlo, Léonard de Vinci. La vulgarisation un peu plus « glamour », nous, on ne dit pas Non !

Sirius, Stéphane Servant, Rouergue, 2017, 16,50€

Sirius, c’est deux enfants, un cochon et de l’espoir! Ce roman de science-fiction nous emmène dans un monde dévasté où plus aucun animal n’a sa place jusqu’au jour où le passé trouble de la planète resurgit. Une seule échappatoire s’impose alors aux jeunes héros: rejoindre la Montagne.

Un roman-pavé initiatique qui provoque une belle et profonde réflexion sur la condition animale et l’impact de l’Homme sur son environnement.

Deux secondes en moins, Marie Colot, Nancy Guilbert, Magnard, 2018, 14,90€

Deux secondes en moins, c’est deux adolescents, un perroquet et beaucoup de musique. Ce roman de vie quotidienne mêlent deux drames très différents mais qui vont réunir nos jeunes protagonistes tous deux passionnés par le piano sous la houlette de leur professeur si lumineux et enthousiasmant.

Une bouffée d’optimisme sous des pages a priori ombragées.

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La tendresse des pierres, Marion Fayolle, éditions Magnani.

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J’aime marquer mes livres.

Inscrire avec un bille bien épais mon nom (parce que je prête) mais aussi la date et le lieu de lecture. Car j’aime me souvenir où et quand ils m’ont transportée. Des années après en les feuilletant, je me revois en leur compagnie dans d’autres pays ou blottie dans mon lit.

Et puis il y a ceux qui me marquent. Il n’y en a pas tant que ça. Et puis encore plus rares, ceux qui me figent sur place.

Ceux qui sont tellement puissants qu’ils me figent dans le temps et à un endroit précis.  De ces livres, je me souviendrai toujours de manière précise où ils m’ont attrapée.

Lors du salon Petite édition jeune illustration de Saint-Priest (69) en novembre dernier, j’ai été capturée par La tendresse des pierres de Marion Fayolle.  Ses albums précédents m’avaient réellement intriguée par leur beauté. Ce sont des albums qui ne ressemblaient à aucun de ceux que j’avais dėjà lu. Des albums dont on ne peut pas dire : »tiens ça me fait penser à…  » Et je crois que c’est une qualité.

Marion Fayolle compose une œuvre absolument singulière qui ne ressemble qu’à elle. C’est une artiste dont toute la sincérité, toute l’humilité et tout le talent jaillissent dans ce nouvel album.

Dans La tendresse des pierres, Marion relate de manière tout à fait novatrice le décès de son père, gravement malade pendant plusieurs mois ou années. On y voit ce père souffrir puis mourir. On y voit la famille qui cogite, les sentiments des uns et des autres qui s’emballent.

En voici l’introduction :

On a enterré le poumon de papa. C’était un jour de printemps, les arbres étaient chargés de cerises et la nature était belle. On s’habilla pourtant tous en noir pour assister à la cérémonie. Toute la famille était là. Des hommes en blanc portaient sur leurs épaules l’énorme poumon. Papa assistait avec nous à l’enterrement d’une partie de son corps. Certains reniflaient dans leurs mouchoirs. D’autres suivaient le cortège sans vraiment réaliser qu’un morceau de mon père venait de disparaître et que peut-être, bientôt, on lui retirerait d’autres bouts de son corps, jusqu’à l’enterrer tout entier

Voici comment débute le récit de Marion Fayolle, le ton est donné d’emblée et l’on comprend que ce n’est pas de la rigolade, que le sujet va nous secouer plus ou moins selon notre vécu. Difficile même si l’on ne se sent guère concerné de rester de marbre face à cet album incroyable.

Peu à peu le père perd ses parties de corps malades. Le poumon est bientôt suivi du nez, c’est la dégringolade de la maladie. Les sentiments des personnages sont admirablement retranscrits et rien n’est ridicule dans cette histoire qui pourtant traite de la maladie de manière très imagée.

Pourtant jamais je n’avais eu autant cette sensation d’être le personnage principal d’un livre. Je ne suis pas ressortie indemne de cette lecture qui m’a bouleversée profondément. J’avais aussi un peu mal aux jambes car j’étais toujours debout et encore au salon de Saint-Priest lorsque je l’ai fini dans la foulée. Sitôt ouvert, sitôt englouti. La gorge serrée et le nez  et les yeux qui dégouline.

J’ai eu beaucoup de mal à dire à Marion combien je m’étais reconnue dans cette histoire pour avoir vécu la même à quelques détails près. J’ai vraiment cru qu’elle était dans ma tête et que mes pensées étaient sur ce papier. C’était une sensation troublante et en même temps une expérience que je n’oublierai pas.

Marion Fayolle est originaire d’Ardèche et ce n’est pas du tout une pimbêche. Elle est talentueuse, jolie, sympathique, vit et travaille à Lyon. Rien ne cloche chez cette auteure/illustratrice dont les prochains travaux risquent d’être attendus avec la plus grande curiosité. Son site internet donne un bel aperçu de l’étendue de ses talents.

Cet album ne s’adresse pas aux enfants. Plutôt aux adultes ou aux ados. Mi BD, mi roman graphique, difficile de qualifier cet objet rare et puis à quoi bon ? Il est publié par les éditions Magnani qui éditent de très beaux ouvrages quelques fois l’an… Une production de qualité et raisonnée !Du travail d’orfèvre pour cet éditeur scrupuleux et son auteure talentueuse.

Je ne cache pas que je suis trèèèèèèèèèèèèèès déçue que La tendresse des pierres n’ait rien récolté à Angoulême mais je compte sur le bon goût de chacun pour faire vivre ce livre radical et juste parfait.

Je vous conseille vivement cette video dans laquelle Marion Fayolle s’exprime à propos de son album. Vous verrez que tout ce que je vous ai dit est vrai (pas pimbêche, jolie, talentueuse etc…)

Merci Marion pour toutes ces émotions !