Ce titre n’est pas une ode à Sheila qui n’a absolument rien à faire sur ce blog. Ce titre est une interrogation que je porte en moi depuis un assez long bout de temps à propos de la production de l’Ecole des loisirs, éditeur vénéré parmi les vénérables depuis que j’ai découvert les Médium au CDI de mon collège, dans les années… (ça commence par un 9)
Des souvenirs à l’avenir il n’y a qu’un pas. Mais j’ai l’impression d’être coincée entre des romans que je n’ai pas envie de finir :

Les enfants de Babel d’Eliacer Cansino qui semble pourtant porter tous les espoirs de l’éditeur en ce début d’année. Roman abandonné, rugueux comme le goudron des routes cabossées de ce village d’Espagne où je pensais passer un agréable moment. Raté, impossible de m’attacher au moindre personnage.

Des albums peu inventifs, je garde toutefois un bon souvenir de Simon sur les rails paru en fin d’année.
Une production pour tout-petits pléthorique et répétitive (Soledad fait du Soledad par exemple mais un gros livre épais, aux coins ronds n’est pas toujours aussi bon que le culte Livre des bruits).
Et pourtant il en sort des livres à l’École ce printemps, il n’y a qu’à suivre ce lien pour s’en convaincre.
Mais que se passe t’il à l’École ? Où sont passés les romanciers qui grattouillaient des thèmes dont on ne parlait pas trop ailleurs ? Bon, ok, Christophe Honoré tourne des films. J’aimais qu’il nous parle de la mort dans L’affaire petit Marcel et les deux titres de la série. J’aimais que Donner nous parle d’homosexualité dans Les Lettres de mon petit frère. Et Bondoux qui nous parlait des ados enceintes dans La vie comme elle vient. J’ai adoré Simple, Oh boy ! de Murail, tout Xavier-Laurent Petit. Et puis, j’ai l’impression, plus rien ces derniers mois.
Est-ce moi qui débloque ? Sont-ce les autres éditeurs qui grattouillent ? Sûrement un peu des deux.
Il n’empêche qu’il y a longtemps que je ne me suis pas extasiée sur un livre publié par le trio EDL/Pastel/Kaléidoscope. Et je ne suis pas loin de penser que ces trois éditeurs vivent sur un fonds de prestige qu’ils peinent à renouveler. Et à la fois, difficile de leur en vouloir car il y a du lourd et qu’on imagine difficile de succéder aux meilleurs.

Et puis, il y a très peu, un brin de soulagement a fait place à l’inquiétude car sur les conseils d’une amie qui se reconnaîtra, j’ai lu Calpurnia de Jacqueline Kelly, roman publié dans cette récente collection (a t’elle seulement un nom ?), plus grand format que les Médium. Calpurnia c’est le prénom de l’héroïne d’environ 10 ans, qui franchit le 20e siècle dans le dernier chapitre rempli d’espoir. Dans ce contexte texan de 1899, la vie de Callie est rythmée par une vie de famille trépidante car elle vit entourée d’une tripotée de frères, d’une mère qui ne songe qu’à la faire entrer dans le beau monde, d’un père dirigeant d’une plantation de coton. Une famille cossue dans laquelle les petites filles sont vouées à coudre, broder, cuisiner. Calpunia exècre ces tâches et ne pense qu’à courir après les papillons, les grenouilles. C’est une fille de la nature qui ne rêve que d’une chose : être une savante, ce qui fait glousser toute la tribu. Mais bon-papa, austère bonhomme toujours fourré dans son bureau plein de bestioles mal empaillées, va la convaincre que tout est possible.
Le monde de Calpurnia va radicalement changer au contact de cet étonnant grand-père tout disposé à lui faire lire et à lui prêter son précieux Darwin De l’origine des espèces. Bon-papa et Callie vont désormais former un duo improbable et même dénicher une nouvelle espèce de vesce (c’est une plante, je précise).
Ce beau roman de formation de plus de 400 pages a été un régal de lecture. Vivre cette fin de siècle avec Calpurnia, mesurer le chemin parcouru par les femmes en 100 ans, comme c’était bon.

Et puis aussi… J’ai lu le nouvel Anton d’Ole Könnecke ce petit personnage me fait mourir de rire surtout que dans ce nouvel album intitulé : Anton et les rabat-joie, il joue à faire le mort ce qui est assez inattendu dans un album pour les petits. Et tous ses amis les uns après les autres se mettent à faire pareil. Ça pourrait être glauque, c’est à hurler de rire.

Donc ça fait deux bonnes nouvelles. Et aussi une petite troisième car j’ai beaucoup aimé un « gros » roman dans la collection Mouche intitulé Ma vie Heureuse de la suédoise Rose Lagercrantz. Il y est question d’une folle amitié entre deux petites filles dont l’une a perdu sa maman mais a fermement décidé d’être heureuse dans la vie. On le voit d’ailleurs sur l’image ci-dessus, elle est même contente quand il pleut.

Enfin, je me demande si Hervé Tullet apprécie que dans Au secours voilà le loup ! de Ramadier et Bourgeau, on secoue et on penche le livre justement comme dans Un livre … de Tullet.
Quand l’École n’invente plus rien, on est donc moyennement rassurés. Pourvu que ce soit moi qui déraille !
Cette année dans notre club-ado il a été très difficile de nous mettre d’accord pour trouver un roman de l’École des loisirs à proposer à nos ados (l’éditeur n’est évidemment pas le critère majeur, mais habituellement ça coule de source qu’un de leur roman au moins en fera partie).

Nous avons finalement choisi de leur proposer De grandes espérances, par Dickens/Murail. On ne sait pas s’ils iront au bout car moi-même j’ai peiné, posé, hésité, abandonné, culpabilisé, regardé, feuilleté, repris, fini. Le tout sur… au moins un mois. Je ne sais pas si je suis juste fière de l’avoir fini ou si je l’ai vraiment aimé. Mais parmi notre sélection de cette année il y aura au moins un grand roman d’époque, une belle écriture, un personnage principal fait de nuances incroyables, des paysages fous, des dessins subtils, une romance !!! En fait j’ai aimé. Je m’en rends compte maintenant.
Mais là encore, si le subtil travail d’adaptation de Marie-Aude Murail au « petit point » est remarquable, on ne peut pas dire que Dickens soit une nouveauté décapante. J’attaque donc cette année 2013 un peu remontée contre l’éditeur culte de mon enfance et ça ne me fait pas plaisir.
J’attends vos commentaires, votre optimisme ou votre pessimisme. Tous les avis sont les bienvenus.