Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire

Il est de ce genre de livre que l’on a envie de recommencer illico presto dès lors qu’on arrive à sa dernière page tellement la chute nous a surpris, bouleversé, émue, choqué ou que sais-je encore…

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire fait partie de ce genre de livre.

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Adolescent petit, mince, palot mais à l’humour fin, Élias 13 ans -mais qui en paraît 10-, est persuadé qu’il lui arrivera un jour un truc extraordinaire. En attendant, il passe son temps à vivre ses histoires aventureuses en les griffonnant dans un cahier : traversée de la Manche à la nage, compétitions nationales de judo ou obtention d’un disque de Platine… Depuis la séparation de ses parents, Élias vit avec sa mère et son nouveau compagnon Franck qu’il n’apprécie pas beaucoup. Mais pour faire plaisir à sa mère, l’adolescent est obligé de tisser des liens avec ce nouveau père qu’il trouve irascible via des sorties en plein air, « entre hommes ».

Finalement, les nouvelles aventures sentimentales de sa mère vont passer au second plan quand Élias découvre, à la suite d’une sortie aux trois étangs, qu’il peut VOLER. Ce premier phénomène pour le moins perturbant va ensuite s’accompagner de nouvelles étrangetés: des serres lui poussent, un bec apparaît et des ailes s’extraient de son dos… Élias vit un truc extraordinaire: il se transforme en corbeau!

Essayant en premier lieu de cacher cette métamorphose à son entourage, Élias se confie à ses meilleurs amis Milo et Mathilde, qui vont tant bien que mal essayer de comprendre ce qui arrive à notre héros. Alors, hallucination ou réelle transformation ?

Ce roman est une d’une puissance incroyable où l’ironie et les points de suspension sont lourds de sens… La chute, totalement inattendue, révèle une vérité bouleversante et viendra révolter et faire frissonner tout lecteur. Gilles Abier arrive à nous plonger dans l’univers sensible et le désarroi des pensées d’Élias avec une justesse effroyable puisque c’est submergé par l’émotion, ressentant physiquement les douleurs de la métamorphose en corvidé que nous fermons ces pages.

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire, Gilles Abier, éd. La joie de Lire, Encrage, 2016. 14€ – A partir de 12 ans

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Alzheimer, et si on arrêtait d’oublier ?

Chaque 21 septembre, c’est la Journée Mondiale de la maladie d’Alzheimer, l’occasion de vous présenter cette semaine quelques ouvrages – documentaires, romans, BD – qui traitent de ce sujet soit avec pédagogie, objectivité, mais aussi avec pudeur, sensibilité, réalité.

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À savoir qu’il existe de plus en plus de livres sur la maladie d’Alzheimer et qu’il ne serait pas possible, voire pas sérieux, de tous vous les exposer. Que ceux qui ne font pas partie de cette chronique n’en soient pas offusqués… D’ailleurs vous trouverez nombre de bibliographies sur Internet aussi intéressantes les unes que les autres. Sachez que dans les sélections du prix Chronos de littérature, la maladie d’Alzheimer est un thème qui revient souvent et qui fait d’ailleurs l’objet d’une biblio à consulter par ici :

http://www.prix-chronos.org/thematique/livres/bibliographie-alzheimer/

Bien revenons à ce qui nous préoccupe aujourd’hui ! Car ce qui est à remarquer, c’est que la littérature de jeunesse s’empare de nouveau d’un sujet de société, permettant de l’expliquer, de le vulgariser et de sensibiliser. Ici, nous vous présenterons ce qui existe pour les jeunes lecteurs à partir de 9/10 ans jusqu’aux plus grands. Chacun aura alors tout loisir de découvrir cette maladie particulière, de manière différente, tantôt par les dessins, tantôt par les écrits, tantôt concomitant. Certains de ces livres permettront de combler nos curiosités, d’autres encourageront les familles à discuter, à poser des mots, et peut-être même à supporter.

Documentaires

Pour les plus jeunes, « Alzheimer : parlons-en ! » est un petit documentaire très illustré qui présente de manière simple et même ludique cette maladie (oui c’est possible !). Structuré en 5 parties, on y apprend comment reconnaître les signes annonciateurs de la maladie, quelle est-elle exactement et comment elle agit sur la mémoire et le cerveau, comment peut-on la détecter et la soigner, comment est-elle prise en charge selon certains pays. Jeux, quiz mais aussi glossaire permettent de traiter largement le sujet sans s’ennuyer.

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Alzheimer : parlons-en !, du Pr Jean-François Dartigues, Dr Agnès Hémar et Patricia Marini. Illustrations d’Aurélien Boudault. Gulf Stream, 2013. 10,50€

Pour les plus grands, un incontournable des essentiels Milan (bien qu’il semble ne plus faire partie de leur catalogue ?), « La maladie d’Alzheimer » pour approfondir le sujet, en insistant davantage sur la notion de « maladie de la communication ».

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La maladie d’Alzheimer, de Georges Lambert. Milan, « Les essentiels », 2006.

Romans

Sans détailler, je vous présente de nombreux romans sur le sujet, qui abordent de manière plus ou moins différente la thématique. Certains soulignent à juste titre que cette maladie ne touche pas que des personnes âgées. D’autres mettront en avant l’amitié, la solidarité inter-générationnelle comme un clin d’oeil aux futurs aidants et rappelant l’importance de l’entourage dans l’accompagnement de cette maladie.

Des titres comme « Mamie mémoire » d’Hervé Jaouen ont été réédités (passant de la collection Page blanche à Scripto) ou comme « Momo, petit prince des bleuets« . Pour d’autres (si je ne me trompe pas) comme « Les volets clos » ce n’est pas le cas et pourtant ce récit, lui, ne vieillit absolument pas.

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En rédigeant cet article, je découvre aussi deux autres romans – pas encore lus, mais ça ne saurait tarder – dont je vous parle quand même. En effet, leurs auteures sont des « plumes » sûres de la littérature jeunesse (à mon humble avis en tout cas). Donc il n’y a pas de raison… et puis cela appellera vos lectures et vos appréciations.

Il s’agit de « L’été des pas perdus » de Rachel Hausfater. Flammarion, « Tribal », mai 2015. (Dont la couverture est superbement illustrée)

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et de « La fille qui avait deux ombres » de Sigrid Baffert. L’École des loisirs, « Médium », mars 2015. (Enfin l’EL aux couvertures modernisées !)

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Romans graphiques, BD, images animées

Quand j’ai découvert « Rides » de Paco Roca, j’ai tout de suite adhéré. En effet, on suit le personnage d’Ernest qui vient d’être tout récemment admis en EHPAD (nos « anciennes » maisons de retraite) ne pouvant plus rester seul chez lui. Il y fera la connaissance d’Emile et d’autres résidants sympathiques, parfois déments, en tout cas vieillissants. Et puis, au fil du récit, on comprend que la maladie s’installe insidieusement. Ernest se retrouvera assez vite avec « La tête en l’air« , d’où le titre du film d’animation d’Ignacio Ferreras, adapté de cette bande-dessinée. Pour en voir la bande-annonce, par ici, il faut cliquer : http://www.dailymotion.com/video/xx31nd_la-tete-en-l-air-bande-annonce-du-film_shortfilms

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« Rides« , de Paco Roca. Delcourt, « Mirages », mars 2007.

Les trois prochaines BD sont plutôt à proposer à des lecteurs adolescents, à partir de 14/15 ans. Le sujet y est traité de manière plus touchante, voire déroutante… exigeant un certain recul et pas mal de discernement.

Dans « Little Joséphine« , Valérie Villieu témoigne. Infirmière à domicile, elle raconte à travers le personnage de Joséphine, la maladie d’Alzheimer. Comment elle s’installe ? Comment gérer ? Comment soigner… ou pas ? Raphaël Sarfati traduit en images cette histoire, relevant très justement l’arrivée de la maladie, ses effets (comme ces notions de vide et de puzzles incomplets qui reviennent régulièrement) mais également l’impuissance des professionnels de santé. À la fin du récit, nous en sommes au même point que Valérie : Vidés ! Pris d’empathie, nous aussi nous aurions aimé aider davantage Joséphine.

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« Little Joséphine… et le vide se répète« , de Raphaël Sarfati et Valérie Villieu. La boîte à bulles, « Contre coeur », 2012. 17€ (Prix du jury oecuménique de la BD – Angoulême 2013)

« Le Grand désordre » commence ainsi : « Je n’ai jamais eu bonne mémoire. Aussi, quand on diagnostiqua la maladie d’Alzheimer à ma mère, je sus que je devais garder une trace écrite de ce qui arrivait, à elle et à notre famille. Je voulais avoir plus tard la possibilité de me pencher sur ces notes pour me souvenir de tous ces moments de folie, de beauté et de tragédie, sans en perdre un seul. » Sarah Leavitt, sans tricher, sans cacher, sans tergiverser se livre. Elle nous raconte une histoire, celle de sa maman Midge, malade dès l’âge de 52 ans. Celle de sa famille touchée, attristée mais tellement aimante. Ce graphic memoir (des mémoires sous forme de BD) comme le désigne l’auteur elle-même nous fait vivre l’arrivée de la maladie dans une famille et le bouleversement. Une maladie pas si individuelle, tout compte fait… Tout y est recueilli. La violence du diagnostic suivi des comportements incongrus, des incompréhensions, des trous de mémoire, des aberrations et de la diminution. Un récit fortement documenté, qui pas à pas, nous emmène un peu plus en Alzheimer.

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« Le Grand désordre : ALzheimer, ma mère et moi« , Sarah Leavitt. Steinkis, 2014. 18€

Et puis, il y a aussi « Ceux qui me restent« , un « voyage en Alzheimer » comme nous annonce la quatrième de couverture. L’histoire d’Aurélie, une jeune femme, qui a perdu très jeune sa maman et qui depuis a des relations conflictuelles avec Florent, son papa. Mais celui-ci est désormais malade, parfois incapable de se rappeler, de se souvenir de sa fille et qui pourtant voudrait tant la « retrouver » et que tout soit pardonné. À coups de flashback, le récit se déroule alternant les séparations et les retrouvailles. Un rythme un peu suffoquant nous imposant la rapide évolution de la maladie et l’urgence de se quitter sans ne rien regretter. Les dessins sont émouvants et les couleurs reflétent correctement les différents états de Florent : entre grisaille des souvenirs confus, presque oubliés et luminosité de la mémoire fragilement retrouvée.

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« Ceux qui me restent » de Damien Marie & Laurent Bonneau. Bamboo, « Grand angle », 2014. 22€

Pour finir, côté album, un titre, un seul car c’est comme ça 😉 et qu’il fût le coup de coeur d’Isa, une autre Ouvre-livreuse !

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« Très vieux Monsieur« , d’Adeline Yzac et d’Eva Offredo est un magnifique album déjà présenté dans l’OL. Vous pourrez retrouver sa présentation par ici : https://ouvrelivres.wordpress.com/2012/01/28/tres-vieux-monsieur/

« Je suis comme un bout de bois, je regarde le ciel, les nuages, et je me sens rien« 

mots d’une patiente, ce matin, allongée sur son lit –

Valérie Villieu

Secret or not secret !

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Ce n’est pas une nouveauté, certes, mais pourtant « Le secret d’Orbae » fût vraiment mon coup de coeur jeunesse de l’été ! (merci Karine pour me l’avoir glissé entre les mains fin juillet…) En préparant cet article, je me disais que nous n’avions peut-être pas assez parlé de François PLACE dans l’OL. Il y a eu quelques articles, si ! si ! Comme celui d’Emi lit (https://ouvrelivres.wordpress.com/2013/10/25/en-route-pour-des-pays-imaginaires/) mais probablement pouvions nous en rajouter un peu.

Comme vous êtes les « Luky Luke du Net » et que vous surfez plus vite que mon ombre…, vous savez déjà que « Le secret d’Orbae » dont je vais vous parler est le roman qui fait suite à la parution d’un coffret en 2011, dont vous trouverez une présentation réalisée par l’auteur-dessinateur lui-même sur son site, j’ai nommé MONSIEUR PLACE (il faut vous avouer que j’ai énormément de respect pour ce MONSIEUR là) : http://www.francois-place.fr/portfolio-item/le-secret-dorbae/

Et que ce roman est également en lien avec « L’atlas des géographes d’Orbae » paru en 1996 : http://www.francois-place.fr/portfolio-item/atlas-des-geographes-dorbae-tome1/

Comme cela, la boucle est bouclée !

Ainsi, « Le secret d’Orbae« , en cette période de rentrée scolaire (ou mois de septembre), est plus qu’approprié pour se croire encore un peu en vacances, voire continuer à « voyager ». Il faut dire que les deux héros que nous suivons dans ce récit, Cornélius et Ziyara, sont de grands aventuriers, des explorateurs, même mieux des découvreurs. Narrée en deux parties, cette histoire commence avec le point de vue de Cornélius. Marchand de draps, il quitte ses attaches, ses proches, son pays pour chercher la toile à nuages, un fabuleux tissu, léger, magnifique, peut-être magique dont il veut absolument trouver le secret. (Rien que ce nom, nous aussi, ça nous fait rêver)

Sur sa route, il rencontrera Ziyara, une femme hors du commun, capitaine de bateau, femme-dauphin, tantôt battante et décidée, tantôt fragile et esseulée. Qui mettra tout en oeuvre pour retrouver celui qu’elle aime, son âme soeur, (provisoirement) disparu alors que ce dernier pensait enfin découvrir ce secret tant espéré.

On suit le parcours de ces personnages, leur quête presque entêtante, leur belle histoire d’amour au coeur de paysages fantastiques et malgré tout magnifiques. L’univers – si particulier – de François PLACE nous transporte et on se prend à imaginer des pays qui n’existent pas, des animaux que l’on ne verra jamais, des paysages que l’on ne foulera pas. On a même en bouche le goût de mets inventés. Mais peu importe, l’effet François PLACE fonctionne et on y croit !

Un très beau récit aussi sur le plaisir de la curiosité, la découverte des autres, l’amitié et le plaisir d’apprécier la proximité. En fait, Cornélius, découvrira qu’à force de « courir » après ses rêves, de traverser les frontières, de surmonter de multiples épreuves, il a failli perdre un bonheur qui était juste à ses côtés…

À partir de 9 ans. Pour les tout jeunes lecteurs, lectrices qui aiment le fantastique, les univers particuliers, qui aiment à croire qu’ailleurs il existe bien des pays magiques et poétiques.

François PLACE, « Le secret d’Orbae« , Casterman, 2011. 9 €

En prime sur son site, François Place vous raconte un passage clé de l’histoire dans une très belle vidéo.

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