A Villeurbanne, mai 2016
Cher(e)s Ouvre-lecteurs(rices),
Au fil de mes dernières lectures, je me suis découvert une nouvelle passion….
les romans et les albums épistolaires !
Si vous vous demandez pourquoi, je dirai que c’est parce qu’il s’agit d’une lecture de l’intime. On lit l’intimité et les réflexions de quelqu’un, pas de narrateur omniscient, pas de langage littéraire, juste le suspense naturel que nous procure le peu d’informations narratives d’une lettre. Lire des correspondances, c’est une lecture si naturelle, simple que s’estompe l’écart entre fiction et réalité : on est plongé au cœur d’une intrigue.
Je vous dirai que c’est également par acte littéro-politique, pour ne pas que l’art d’écrire ne se perde. J’aime parler autour de moi, avec les plus jeunes qui m’entourent, avec les lecteurs du secteur jeunesse de la médiathèque du Tonkin du plaisir que me procure le fait de choisir sa carte postale, de sentir le papier sous notre stylo, de lécher son timbre (ah non ça beurk!) et de le coller sur une enveloppe décorée…
Laissez-moi partager avec vous quelques pépites timbrées :

Sélection du mois de mai au secteur jeunesse de la Médiathèque du Tonkin (Villeurbanne, 69)
Du côté des romans
Lettres à plumes et à poils de Philippe Lechermeier et Delphine Perret, éd. Thierry Magnier, 2011, 10€. Dès 8 ans!
Et si un renard écrivait à une poule pour lui demander la main de sa fille? Qu’une fourmi dépressive se plaignait à sa Reine? Qu’un escargot déclarait sa flamme à une limace top model ou encore qu’un cochon d’Inde interpellait un académicien pour réclamer un changement de nom? Vous trouvez cela bizarre? Et pourtant… A l’intérieur de ce roman délicieux, se trouve même un corbeau xénophobe rédigeant des lettres anonymes aux poulets!! Les illustrations au trait fin de Delphine Perret soulignent élégamment les textes percutants, hilarants (et bien critiques envers notre société comme le noteront les lecteurs avertis!) Cinq correspondances drôles et loufoques qui donnent envie de prendre son stylo et d’écrire des bêtises à son voisin!
La folle rencontre de Flora et Max de Martin Page et Coline Pierré; éd. Ecole des Loisirs, Medium, 2015. 14,50€ Dès 12 ans
Certains diront que ce sont Les Liaisons dangereuses lues l’été 2005 (chhht!) qui ont déclenché mon intérêt pour les correspondances mais laissez-moi attirer votre attention vers ce très beau roman sorti cet hiver.Max est un garçon fragile, peureux, déscolarisé et enfermé dans sa maison. Flora, elle, est enfermée, mais en prison, parce qu’elle a plongé dans le coma une fille qui la harcelait au lycée. Max et Flora ne s’étaient jamais parlé au lycée, aujourd’hui ils ne peuvent pas se rencontrer. Max lui écrit une lettre et ne pensait pas qu’elle lui répondrait. Se tisse alors au fil des pages une improbable relation amicale entre ces deux personnages solitaires. L’un et l’autre vont se soutenir, se réconforter, se faire rire et s’encourager à trouver sa place dans le monde. Et nous, lecteur, on reste là, attendri et les yeux un peu mouillés. Un délice.
Martin Page et Coline Pierré excellent dans l’art de correspondre d’autant plus lorsque l’on apprend qu’ils ont écrit et tissé le fil de ce récit en s’envoyant pendant 4 mois, par le biais de Flora et Max, de vraies lettres.
Papa Longues-Jambes de Jean Webster, éd. Gallimard J, 7,30€. Dès 13ans
Cette délicieuse vieillerie… (1910 tout de même pour la première version américaine!) m’a été mise dans les mains par une de mes collègues dont ce roman est un coup de cœur! Et quel coup de cœur, j’ai bien fait de ne pas me fier à la 1ère de couverture -on a celle de gauche à la médiathèque…! L’héroïne Judy Abbott, adolescente orpheline, apprend dans le premier chapitre qui met en place le décor qu’un bienfaiteur désirant rester anonyme décide de financer ses études à l’université. Une seule contrepartie: que celle-ci lui écrive une lettre par mois. Judy n’a eu l’occasion de voir se bienfaiteur qu’une seule fois, à travers son ombre sur un mur lui faisant des jambes immenses. Commence alors la lecture de toutes les lettres de Judy (sans presque aucune réponse) à son Cher Papa-Longues-Jambes…qui réserve bien des surprises! Découverte d’une nouvelle liberté de la vie à la campagne aux grandes villes, premiers émois amoureux, émancipation de la femme et normes sociales… c’est toute la société américaine à l’aube du 20°siècle qui nous est présentée à travers ces échanges très drôles et enlevés. Niveau de lecture accessible dès 12-13 ans mais certaines références culturelles anglosaxonnes nécessiteront des explications!
Mon père est américain de Fred Paronuzzi, éd. Thierry Magnier, 9,10€, 2011. Dès 13 ans
Quand Léo, 16 ans, apprend la véritable identité de son père -qu’il sait être américain-, il ne s’attendait pas à ce que Benjamin soit un assassin en prison, qu’il soit condamné à mort et que sa mère entretenait depuis longtemps une correspondance avec lui. Alors que jusque là son père n’était pour lui qu’une vieille photo datée, Léo entreprend d’écrire à se père qui ne correspond pas à ce rêve américain… Troublants, leurs échanges sans promesse d’avenir sont à la fois timides, révoltés et d’une extrême franchise. On ne ressort pas indifférent de la plongée dans cette relation père-fils et dans l’enfer de l’univers carcéral américain. Roman épistolaire court et roman épistolaire puissant.
Ne t’inquiète pas pour moi d’Alice Kuipers, éd. Albin Michel J, 2008 ,10€. Dès 14ans
« Maman, je suis allée au supermarché. Regarde dans le frigo. J’ai arrosé les plantes. J’ai nettoyé la cage de Jeannot Lapin. J’ai rangé le salon. Et la cuisine. Et j’ai fait la vaisselle aussi. Je vais me coucher. Ton esclave à domicile, Claire. »
Relation mère-fille cette fois-ci dans ce très court roman dont la correspondance se déroule par le biais des post-its que Claire et sa mère se laissent sur la porte du frigo. Lorsque la mère tombe malade, les échanges et les émotions sont pressés par le temps. Espoir, colère, fatigue, pudeur, petits mots d’amour, ce roman est un trésor de tendresse que le tragique plonge dans un suspense douloureux.
*Et je danse aussi de Jean-Claude Mourlevat et Anne-Laure Bondoux. Auteurs bien connus en jeunesse mais roman épistolaire destiné aux étagères adultes, je vous recommande vivement ce roman de ce début 2016! Quand une admiratrice écrit à son romancier préféré en lui demandant de ne surtout pas ouvrir le colis qu’elle lui a joint, quand l’auteur -alors dans une mauvaise passe- se laisse embarquer dans cet échange et qu’entre eux se tisse un lien indispensable… Séduction, secrets, petits et gros mensonges: à dévorer, à aimer, à danser!
Du côté des albums
Les lettres de l’Ourse de Gauthier David et Marie Caudry, éd. Autrement Jeunesse 14.50€ Dès 3 ans
Que l’on est émue en lisant les lettres de cette Ourse à son Oiseau si loin et qui lui manque tant… Séparés par la migration, nous lecteurs, sommes joyeux et tristes comme son auteur. Et lorsque l’Ourse décide de braver les dangers pour accélérer les retrouvailles avec son Oiseau… nous sommes alors emplis de courage, impatients et inquiets à la lecture de ces jolies lettres qui relatent une belle histoire d’amitié.
Lettres de l’écureuil à la fourmi de Toon Tellegen et Axel Scheffler, éd.Albin Michel J, 2004. A lire dès 8 ans!
De l’écureuil à la fourmi… mais pas seulement ! Il y a aussi des lettres de l’éléphant, la taupe, l’escargot… des lettres d’invitations, des lettres qu’on n’arrive pas à écrire, des envois en nombre. Petits drames ou petits bonheurs, ces 28 lettres qui composent ce bel album sont autant des contes littéraires permettant la réflexion qu’un bel hommage à l’art de la plume. Univers animalier et poétique
Cher Bill d’Alexandra Pichard, éd. Gallimard J, Giboulées, 2014. Dès 3 ans
Vous aussi vous avez déjà gouté la joie étant enfant d’avoir pendant une année scolaire un correspondant? Alors ce livre va vous raviver de jolis souvenirs et vous faire arboré un sourire jusqu’au oreilles. Cher Bill, c’est l’échange entre deux écoliers aux antipodes: Oscar la petite fourmi grise à 6 pattes et Bill le joli poulpe bleu à 8 pieds. Avant de se rencontrer à la classe de mer, ces deux-là apprennent à devenir amis : couleur préférée, petites habitudes et questions saugrenues. Mais quand la maitresse se casse les pattes et que le voyage chez Bill est annulé, c’est une jolie surprise qui attend Oscar…
Fraicheur, innocence, choc des cultures et tolérance, ces échanges très proches du vocabulaire enfantin raviront petits et grands par leur fantaisie!
Rébellion chez les crayons de Drew Daywalt et Oliver Jeffers, éd. Ecole des Loisirs, 2014, 13€ Dès 3 ans
Que se passerait-il si vos crayons, las d’être écrasés, mal taillés, boudés par leur couleur vous envoyaient par courrier leurs états-d’âmes? La réponse se trouve dans ce bel album de Drew Daywalt illustré par les crayons gras d’Oliver Jeffers!
Rouge trouve qu’il travaille trop tandis que Rose attend un grand rôle. Noir en a marre de faire les contours et Jaune refuse de céder sa place pour faire le soleil: à chaque couleur sa double-page et sa rébellion.
Un esprit fantasque, des lettres surprenantes qui donnent envie, une fois le livre terminé, de se jeter sur sa boîte à crayons pour faire une fresque multicolore!
Enfin, on ne peut pas passer à côté du bel album de Rascal, Je t’écris, dont nous avons déjà parlé ICI sur l’Ouvre-livres lors d’une séquence Littérature/Production d’écrits sur la lettre! Il est question de 12 lettres écrites par différents personnages à un copain, au Père-Noël, à tonton ou à un ancien professeur sur des sujets grave comme le divorce ou la différence avec parfois un humour épatant! La mise en page est simple et puissante, les lettres à gauche font écho à l’illustration d’une boîte aux lettres sur la page de droite. Sobriété et force de narration.
Je t’écris, de Rascal, éditions Des ronds dans l’O, 2010. 16,50 euros. A partir de 7 ans
Alors, voilà, bientôt arrivent l’été, les vacances et les traditionnelles lettres ou cartes postales aux mamies, aux copains… alors hop, allez tous à vos stylos et taille crayons!
D’ici là, à vos lectures! Et n’hésitez pas à nous écrire un petit mot en retour pour nous dire ce que vous en avez pensé.
Bien à vous, Lisalapage.