Fratries

Les quatre filles du Docteur March ont marqué mon enfance. Vinrent ensuite les Quatre soeurs (oui bon, les cinq sœurs Verdelaine) puis la version BD de Cati Baur dont les illustrations font tellement honneur aux mots de Malika Ferdjoukh.

Aujourd’hui, j’ai fait un petit bout d’chemin avec les sœurs Martin et je me suis régalée alors par ces temps ensoleillés, venez vous désaltérer avec le succulent et rafraîchissantissime Diabolo fraise de Sabrina Bensalah.

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Calpurnia, 3 fois !

A l’origine il y a un roman sublime dont on avait déjà parlé par là.

Depuis, ont fleuri :

  • 1 -une suite Calpurnia et Travis que je n’ai pas lu mais dont beaucoup m’ont dit avoir été déçues.

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  • 2- une collection pour les plus jeunes dans laquelle notre héroïne se fait vétérinaire et dont le titre un tout petit peu raccoleur Calpurnia apprentie vétérinaire pouvait laisser penser le pire (songez à toutes ces collections alliant un prénom de fille ou de garçon accolé à un métier…)  L’illustration y est divine, alors pourquoi s’en priver ?

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Ici pour le plaisir des yeux, la série aux couvertures originelles ce qui doit pas mal mettre la pression à Daphné Collignon qui illustre magistralement la série en français.

 

  • 3- une bande dessinée dont le 1e volume m’a absolument enchantée et dont le tome 2 sortira… prochainement.

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Je ne peux qu’applaudir des mains et des pieds face à cette merveilleuse adaptation sacrément réussie. L’intérieur mi BD, mi carnet à dessins retranscrit formidablement l’ambiance du roman. Les illustrations de Daphné Collignon sont tout bonnement divines et le choix des couleurs parfaitement adapté à l’été caniculaire texan qui nous est ici rapporté.

Calpurnia est un personnage féminin fort et ambitieux, nourri à Darwin, aux expérimentations en tout genre. Peu décidée à apprendre la broderie et l’art culinaire pour satisfaire sa mère, Calpurnia ouvre de nouvelles voies aux petites filles curieuses de prendre leur vie en main.

Un roman bouleversant ici judicieusement adapté en bande-dessinée. Pour tous les âges et sans modération.

Les romans de Jacqueline Kelly sont publiés par l’Ecole des loisirs, la bande dessinée par Rue de Sèvres.

Au dessin, Daphné Collignon.

Une belle équipe au service d’un sacré personnage !

 

 

 

 

BD 2017 : séance de rattrapage.

Oh la la ! Il y a tant de bandes dessinées dont je n’ai pas eu le temps de vous parler !

J’ai rencontré des héros et héroïnes à vous faire vibrer des jours entiers ! Ils s’appellent Momo, Chaussette, Dagobert, Merlin, Verte, Félix, La fouine, Calliope, Sucre de pastèque, Eugène, Ursule, Anastabotte… J’ignore pourquoi ils ont tous des noms originaux ou qui étaient démodés avant mais qui reviennent en force. Ceux qui ont des noms d’animaux en sont vraiment, rassurez-vous. Ceux qui portent des noms de vêtements ne sont pas des habits pour autant…

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21,90€ ed. Flammarion.

Commençons par celui qui n’est pas franchement une bande-dessinée : A cause de la vie de Véronique Ovaldé au dessin et Joann Sfar au texte (une bien piètre blague s’est dissimulée dans cette phrase). Personnellement chaque fois que j’ai montré ce livre à un client, il m’a dit « Ah, mais oui, ils sont passés à La grande librairie ; ils avaient l’air si complices ! ». J’ai donc été chaque fois bien aidée puisque apparemment les deux zigotos ont sacrément fait le show.  Et mon boulot avec. Va peut-être falloir que je finisse par regarder ce replay par ailleurs.

C’est donc l’histoire d’une jeune ado qui elle aussi a un nom qui était à la mode avant (mais qui n’a pas fait de revival depuis et que je ne citerai pas pour ne vexer aucune Nathalie lectrice). Elle décide donc de  se faire appeler « Sucre de pastèque », ce que je trouve nettement moins joli et facile à porter. En même temps on est dans le bon timing popularité du prénom car on est dans les 80’s. Tout ce paragraphe ne sert donc à rien.

Elle aime exagérer, se plumer les cheveux, piquer du rouge à lèvres en cachette, écouter les Smiths (en lien une de leur chanson que j’adore et qui existe en version revue et corrigée par Ebony Bones). Elle attend le prince charmant en se prélassant dans son vieil appartement. DING DONG ! Le voilà, tout chétif et craintif. Début d’une folle et belle histoire d’amitié entre deux gamins du même immeuble qui réinventent une façon d’être amis en se voyant à peine, à grands renforts d’ingéniosité.

Un livre inclassable pour tous les publics qui aiment les histoires touchantes et farfelues. Avec de jolies illustrations de Joann Sfar et un texte minutieux, malicieux, généreux de Véronique Ovaldé. Immense coup de cœur. Je l’ai serré dans mes bras quand je l’ai fini. C’est dire si je l’ai aimé.

verte

14,00 €, ed. Rue de Sèvres.

Elles vous sont certainement familières. Verte, Ursule et Anastabotte sont 3 sorcières de la littérature jeunesse nées sous la plume de Marie Desplechin dont les aventures sont parues en roman sous les titres Verte, Pome et Mauve. Il y a fort à parier qu’il y aura 3 BD aussi… Dans cette adaptation fort fidèle au roman, je n’ai donc pas été déçue du tout de retrouver ces trois générations de nanas. Des personnages pétillants, une magie inoffensive ou bienfaitrice et surtout, surtout cette bonne idée de proposer à Magali Le Huche d’illustrer cet album. Le résultat est pimpant comme tout, joliment coloré et plein de motifs mimis comme tout ! Alors c’est un grand oui pour cet album !

 

momo

16 €, ed. Casterman.

Momo… ah, Momo ! Lisez Momo, je vous en conjure ou je démissionne ! Car tant de beauté et de subtilité ne peuvent passer inaperçues et méritent bien un caprice de libraire. Moi aussi je peux taper des pieds dans les rayons en chouinant.

A l’illustration : Rony Hotin, subtile combinaison de Miyazaki et Vivès (y a pire, non ?) nous emporte loin, très loin dans l’émerveillement. Le scénario de Jonathan Garnier nous fait faire le yoyo des émotions, le grand huit des sentiments. C’est certainement l’une des plus belles et tristes histoires d’enfance que je connaisse. Et moi j’adore chialer et rire en même temps alors je me mets à soupçonner que messieurs Hotin et Garnier aient écrit ce livre pour moi (mais ça devient n’importe quoi).

Sublime et aux avis unanimes (du moins parmi mes collègues et tous ceux qui l’ont lu).

Officiellement pour enfants, mais franchement on s’en tape et on l’offre à tous ceux qui aiment la BD.

bambou

12,00€, ed. Rue de Sèvres.

Allez, hauts les cœurs ! Une histoire positive, pleine d’espoir pour le futur et la nature…

Une forêt de bambou se meurt. Et oui ! C’est triste,  mais c’est comme ça (que commence l’histoire en tout cas, parce qu’après je vais encore passer pour celle qui n’aime ni les animaux, ni la nature, ni les gosses etc.)

Il suffit de regarder la couverture pour être les pupilles toutes écarquillées par la splendeur de l’illustration, par le choix des couleurs et les attitudes et expressions des personnages.

Animaux et humains vont s’unir afin de sauver la forêt dont les bambous disparaissent les uns après les autres. Une très jolie histoire de Richard Marazano auteur d’un certain nombre de mes séries chouchoutes, notamment pour la jeunesse Yin et le dragon, Le monde de Milo, Le rêve du papillon, etc.

J’ai été vraiment émue à la lecture de cette BD et ne regrette pas un instant cette dangereuse balade en forêt.

chaussette

10,95€, ed. Delcourt.

Loïc Clément et Anne Montel, auteurs d’un de mes chouchous : Le temps des mitaines, poursuivent leur singulière œuvre qui ne ressemble à nulle autre parmi les BD jeunesse. Si j’hésite à utiliser l’adjectif mignonne à l’encontre de leur œuvre, c’est qu’on peut parfois l’associer à « cul-cul ». Et aussi parce que finalement ce n’est certainement pas assez flatteur pour refléter l’esprit de leurs albums. Que dire alors ? Des livres coquets, délicats, croquignolets, ravissants, aux teintes subtiles plus que de raison (le boulot d’Anne) et aux histoires tantôt intrigantes : Le temps des mitaines T1 se lit comme une enquête policière, tantôt engagées comme dans Le temps des mitaines t2 dans lequel les personnages prennent conscience de plein de choses de grands.

Mais toujours et avant tout profondément humaines et attentives aux autres. C’est une des choses que j’aime chez eux, on sent qu’ils aiment les gens et aussi qu’ils ne veulent pas prendre les enfants pour des imbéciles.

Dans Chaussette, une amitié discrète prend forme entre un petit garçon à la curiosité aiguisée et sa vieille dame de voisine. Un joli duo s’amorce au fil des pages. On déambule avec la « vieille » Chaussette et son chien Dagobert dans une ville pleine de couleurs pastel et de vie. On s’y sent bien dans ce quartier !

Et en prime, ça fera plaisir à ma cliente orthophoniste d’hier qui voulait que je fasse passer ce message aux éditeurs : « Imprimez vos livres en écriture attachée et pas en majuscules ». Parce que c’est vrai que la belle écriture d’Anne est quand même plus jolie. Et si ça peut aider les enfants en difficulté de lecture, je relaye ce message avec plaisir.

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10,95€, ed. Delcourt.

« Portés par une joie immense, nos deux amoureux mirent fin à leur quête dans un festival de scintillements… »

A vos souhaits ! Si Félix est dans le coin lorsque vous éternuez, méfiez-vous ! Il pourrait bien vous piquer votre souhait pour le mettre en bocal… Une idée de Loïc Clément (oui, le même qu’au-dessus) qui s’offre ici une parenthèse en compagnie de Bertrand Gatignol. Changement radical d’illustration donc pour cette histoire. Gatignol dont je trouve le travail admirable, me fait toutefois d’habitude un peu peur parce qu’il aime bien les ogres, les marmites et les nonosses à ronger. Malgré tout, j’ai ouvert cet album avec grand enthousiasme parce que je me suis dit qu’il n’allait quand même pas infliger des trucs pareils aux gosses. Par ailleurs connaissez-vous Pistouvi ? Soit dit en passant…

pistouvi

L’alliance de ces deux talents Clément + Gatignol, c’est le combo magique ! Moderne, inventif, avec une fin en feux d’artifices, cet album est une pépite.

Les aventures de Félix le collectionneur de souhaits et de Calliope qu’on dirait sortie tout droit de la Grèce antique, sont fabuleuses et émouvantes. Dans un monde où il n’y a qu’eux qui compte, ils errent à la recherche de leurs désirs les plus chers dans un Paris à la fois réel et qui pourtant semble étrangement imaginaire. En vain.

Et nous on a la larme à l’oeil de tant de poésie et de beauté.

Les bonus à la fin ont un intérêt certain pour tous les curieux de l’édition. Les secrets de la création de l’album, les négociations avec l’éditeur, les arguments des uns et des autres offrent une belle conclusion à ce magnifique Voleur de souhaits.

 

Et voilà, c’est fini pour aujourd’hui. Sachez que ça me tue de ne pas vous parler du prochain Bastien Vivès qui sort début mai que j’ai dévoré d’une traite et que je ne fais qu’y penser depuis… Mais franchement, vous mettre l’eau à la bouche pour un livre pas encore paru, ça se fait trop pas.

Une autre fois !

soeur

 

 

 

 

De la BD rue de Sèvres

  • Bien-sûr, je dois faire partie des rares personnes qui se sont dit, en voyant des BD éditées par « Rue de Sèvres », tiens c’est rigolo c’est la même adresse que L’école des loisirs ? Oui voilà, voilà ! Mais cette naïveté me permet quelques découvertes souvent essentielles à l’enrichissement de ma culture générale et attise ma curiosité (on dirait que vous en doutiez ?). En tout cas, j’ai ensuite vérifié sur le site officiel de l’éditeur ce que «  ma » libraire préférée m’avait expliqué :

    « Rue de Sèvres est la maison d’édition de bande dessinée du groupe l’école des loisirs. Depuis septembre 2013, Rue de Sèvres propose des albums de bande dessinée ado-adultes, tout public et jeunesse. Il nous tient à cœur de soigner chaque livre que nous publions, de proposer des histoires ambitieuses et de beaux objets, c’est pourquoi nous proposons un nombre restreint d’albums chaque année. Notre projet est de ne nous poser aucune limite de genre mais d’accueillir dans notre catalogue des livres aussi variés qu’incontournables ».

    Et toc ! Je suis donc repartie, davantage éclairée, avec deux albums BD sous le bras, estampillés « Rue de Sèvres ».

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    « Le cabaret des ombres », Une aventure des spectaculaires de Régis Hautière et Arnaud Poitevin, nous plonge dans un Paris d’un autre temps, début du XXème siècle. Le professeur Pipolet, une espèce de Géo Trouvetou, doux rêveur pacifiste, s’est fait voler les plans d’une arme révolutionnaire par un très, très méchant homme d’affaires. Pour l’aider à les récupérer, il sollicite quatre artistes, les Spectaculaires de Paname, rois de la débrouille et de l’illusion. Les faibles recettes de leur spectacle les obligent plus ou moins à accepter, s’ensuit une drôle d’aventure et de nombreuses péripéties entre maladresses, engueulades et désorganisation. C’est une drôle d’équipe que forme Pétronille, Félix, Eustache et Évariste ces artistes intéressés par l’appât du gain, certes, mais tout compte fait plutôt intrépides et humains.

  • DSCN4277C’est un récit vif avec plein de rebondissements, des personnages attachants – de vrais antihéros – et des inventions complètement loufoques. Beaucoup d’humour. Un univers qui m’a renvoyé à certains films de Jeunet, au film d’animation « Un monstre à Paris » de Bergeron et à un peu de Jules Verne aussi. Pour dire… C’est un album « Histoire complète » (one-shot comme dirait l’autre), et c’est même écrit sur la 4ème de couverture. C’est parfois pratique.

    « Yin et le dragon, T1 : créatures célestes », de Richard Marazano et Xu Yao nous emmène, lui, en voyage dans le Shangaï des années 30. Yin vit avec son grand-père le Vieux Li, un pêcheur pauvre qui a du mal à joindre les deux bouts et à s’occuper seul de sa petite fille, courageuse, volontaire mais pas toujours obéissante. Aussi, quand il part pêcher un soir, elle se glisse en douce dans la barque. Or cette nuit là, point de poisson dans le filet mais un dragon d’or (même sur la côte normande, on en trouve…). Comme il est blessé, Yin arrive à persuader son grand-père de le ramener à terre, pour le soigner. Le vieux Li finit par accepter sauf que les Japonais envahissent Shangaï et qu’il va être difficile de cacher bien longtemps un dragon. De plus, une autre menace pèse, car le dragon d’Or qui reprend des forces, est venu en fait annoncer une future et terrible tragédie…

  • DSCN4276Il faudra attendre la sortie du 2ème tome pour connaître la suite de cette série, prévue en 3 volumes. Mais le décor et le suspense sont déjà bien installés dans cette 1ère partie. Les auteurs nous emportent vers des horizons plus qu’exotiques et nous plongent dans un monde assez obscur où se mêlent les conflits, l’occupation japonaise, la misère et les légendes. La fraîcheur et l’innocence de Yin tranchent un peu avec tout ça, la faisant sortir un peu brutalement du monde de l’enfance mais donnant aussi un peu d’espoir en l’avenir. La grande variété de formats des phylactères, les différences de point de vue, les cadrages larges et/ou serrés, donnent au récit un rythme dynamique et amplifient cette impression de menace imminente. Tout comme le choix subtil des couleurs, qui accentue le réalisme des illustrations mais qui fait aussi passer de nombreuses émotions.

    Deux différentes et belles lectures. Pour de jeunes lecteurs (plutôt 8-9 ans je dirai), surtout que les textes sont tous écrits en MAJUSCULE et que dans « Yin et le dragon » certains termes sont même écrits en gras. Mais ça, je n’ai pas encore compris pourquoi… ?

    « Le cabaret des ombres », de Régis Hautière et Arnaud Poitevin, colorisé par Christophe Bouchard. Rue de Sèvres, 2016. 14€

    « Yin et le dragon, T1 : créatures célestes », de Richard Marazano et Xu Yao. Rue de Sèvres, 2016. 14€

    Pour en savoir plus sur l’éditeur : http://www.editions-ruedesevres.fr/maison-edition-rue-de-sevres

    Un GRAND merci à Astrid LEMONNIER, libraire à Neufchâtel en Bray (76), qui passe la plupart de ses journées et de sa vie au milieu des romans, albums jeunesse, BD… dans sa boutique, « Une Histoire de papier ». Merci pour tout ce qu’elle fait, pour développer et maintenir la lecture en milieu rural et pour m’avoir gentiment prêté ces deux albums. Le début d’un sympathique et littéraire partenariat.

    Son site : https://www.facebook.com/UneHistoireDePapier/?fref=ts

Cet été-là, de Jillian et Mariko Tamaki. Ed. Rue de Sèvres.

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Cet été-là est un « YA graphic novel », comme ils disent de l’autre côté de l’Atlantique où vivent et travaillent les cousines canadiennes Tamaki (Jillian est aux pinceaux et Mariko au texte, et il s’agit là de leur second album en commun.)

Entendez donc par là qu’il s’agit d’un « roman graphique pour jeunes adultes ». Ah la fameuse tendance « jeunes adultes » qui nous enquiquine parfois parce qu’elle veut tout et rien dire !

Dans le cas de cette BD publiée par Rue de Sèvres, -le label bd de l’École des loisirs dont on a désormais bien compris qu’il n’était pas venu là pour rigoler-, « jeunes adultes » prend pourtant tout son sens. Rose vient tous les ans passer ses vacances avec ses parents à Awago beach où elle retrouve chaque fois son amie Windy. La première, grande blonde et filiforme a encore son corps enfantin, la seconde petite et brune a vu ses seins éclore dans l’année. Rose est aussi réservée que Windy est exubérante. Chez elles c’est un peu la pagaille, surtout chez Rose dont la mère est engloutie par son chagrin depuis une fausse couche l’année précédente. Rose assiste aux crises entre ses parents en se faisant toute petite et redoute le départ de son père plus que tout. Elle attend désespérément le moment où sa mère relèvera enfin la tête.

Cet été-là, les filles vont changer. Mais pas tant que ça. Ce n’est peut-être pas d’elles que viendra la métamorphose attendue par le lecteur. Autour d’elles gravitent des ados, qu’on peut qualifier, eux, de jeunes adultes. C’est l’été, les filles sont peu vêtues, les garçons qui tiennent la boutique qui vend/loue de tout ont la langue qui pendent. Rose trouve ces filles vulgaires et le garçon qui tient le comptoir est plus âgé, mais qui sait… Qui sait s’il l’intéresse ? On ne sait pas trop ce qu’il y a dans la tête de Rose. Alors, -peut-être pour se faire remarquer par ces grands garçons-, nos héroïnes se mettent à leur louer des films d’horreur pour lesquelles elles ne sont pas tout à fait prêtes ! De belles frayeurs pour elles en perspective…

Toutes deux sont encore engoncées dans leurs corps et mentalités de pré-ados, ne sachant si c’est encore chouette de faire des châteaux de sable ou si c’est le bon moment pour visionner des films d’horreur. Leurs corps et leurs cœurs oscillent entre l’enfance et l’adolescence et les cousines Tamaki nous le montrent d’une belle façon. J’ai aimé cette première scène à la plage où l’une propose à l’autre de refaire un château de sable mais où l’on perçoit qu’elles ne savent ni l’une ni l’autre si « ça se fait encore » ou même si elles en ont encore vraiment envie. Et la joie de les retrouver 300 pages plus loin, creuser dans le sable pour s’enterrer comme des gosses qu’elles sont encore (ou plus ?) avant de rentrer chez elles pour une année loin de la plage. Feront-elles encore des châteaux de sable l’an prochain ? Y a t’il d’ailleurs un âge pour arrêter d’en faire ? On ne sait pas. La préoccupation de Rose est plutôt de savoir si l’an prochain, elle aura enfin des seins… Pas des énormes, juste des normaux, lui suffiraient comme elle le dit de manière si touchante en clôture de l’album.

Sur plus de 300 pages, les cousines Tamaki figurent admirablement ce moment délicat qu’est le début de l’adolescence. La pudeur, l’inquiétude de Rose se mêlent à la joie de vivre et au culot de Windy dans cette histoire subtile et magnifiquement illustrée.

Gros coup de cœur pour cette BD qui n’a pas sa langue dans sa poche pour parler des changements hormonaux !

– Y’en a une à mon cours de danse, qui a dix ans et qui fait au moins un bonnet D. Peut-être même un G. Genre, ça lui fouette la figure quand elle court.

– Ma mère fait un B. Je ferai sûrement un B moi aussi.

– Est-ce que toutes tes copines ont des nichons ?

 

Questions essentielles à 13 ans, non ?

Cet été-là, Jillian et Mariko Tamaki, Ed. Rue de Sèvres, 318 p., 20 €.