Je suis ce que j’émi lit 2020

Salut 2020 et bienvenue 2021! On est nombreus(es) à se plier à l’exercice des voeux, des bilans et autres bonnes résolutions avec plus ou moins de plaisir et pourtant pour la troisième fois, je répond avec amusement au questionnaire « Je lis donc je suis » en piochant dans les titres lus & appréciés pendant l’année écoulée pour se dévoiler entre les pages. Un an particulier à bien des égards mais qui aura eu le mérite de permettre davantage de lectures et de les diversifier en incluant notamment plus de littérature adulte et de non fiction, c’est pourquoi tous n’auront pas été chroniqués sur le blog ou Instagram. Cette fois encore, j’ai partagé des coups de cœur pour des ouvrages ou des autrices avec mon fidèle binôme Gaëlle, peut-être que l’an prochain il y aura 2 versions côte à côte, qui sait (message subliminal pour qu’elle note ses lectuuuuures)?!

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Décris-toi : Une femme en contre-jour (Gaëlle Josse, Editions Noir sur blanc, 2019, roman biographique)

Comment te sens-tu ? Coeur battant (Axl Cendres, Sarbacane, 2018, roman ado)

Décris où tu vis actuellement: Dans ma maison sous terre (Chloé Delaume, Seuil, 2009, roman adulte)

Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ? Là où chantent les écrevisses (Delia Owens, Seuil, 2020, roman adulte)

Ton moyen de transport préféré : La dernière marée (Aylin Manço, Talents hauts, 2019, roman ado)

Ton/ta meilleur(e) ami(e) est :  Les vermeilles (Camille Jourdy, Actes sud junior, 2019, BD jeunesse)

Toi et tes amis vous êtes Bergères guerrières (Jonathan Garnier, Amélie Fléchais, Glénat, 2017, 2018, 2019, BD jeunesse)

Comment est le temps ? L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges (Davide Morosinotto, L’école des loisirs, 2019, roman ado)

Quel est ton moment préféré de la journée ? Le bal des folles (Victoria Mas, Albin Michel, 2019, roman adulte)

Qu’est la vie pour toi ? On est tous fait de molécules (Susin Nielsen, Hélium, 2015, roman ado, nos chroniques ici et )

Ta peur?  Ces jours qui disparaissent (Timothé Le Boucher, Glénat, 2017, BD adulte)

Quel est le conseil que tu as à donner ?  Apprendre à tomber (Mikael Ross, Sarbacane, 2019, BD adulte)

La pensée du jour : Il fallait que je vous le dise (Aude Mermilliod, Casterman, 2019)

Comment aimerais-tu mourir ? On regardait s’approcher les nuages (Gaëlle Drevet, EFA, 2014, témoignage)

Les conditions actuelles de ton âme ? Tenir jusqu’à l’aube (Carole Fives, Gallimard, 2018, roman adulte)

Ton rêve ? Et la lune, là-haut (Muriel Zürcher, Thierry Magnier, 2019, roman ado)

Editions 2019, 2018

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Moi, Ambroise roi du scrabble

N I E L G A

ligne, aigle, laine, linge, agile, angle, aile, élan, gain, lien, aïe, ail, âge, âne

Génial!

Voilà en un mot ce que je peux dire de Moi, Ambrose roi du scrabble

Moi, Ambrose roi du scrabble, Susin Nielsen, Hélium, 2012

Premier roman publié par Susin Nielsen, c’est ma seconde lecture de l’autrice canadienne, chouchou de ma complice Gaëlle (elle parle de son dernier ouvrage Partis sans laisser d’adresse ) et de moi aussi désormais (je présentais Le journal malgré lui d’Henry K. Larsen ). Et il y a de quoi l’adorer cette Susin, elle qui à chaque titre semble trouver LA forme juste pour la voix à qui elle donne la parole: le journal intime pour Henry K. Larsen, le jeu de scrabble pour Ambrose (qui apparaît furtivement chez Henry car certains personnages se croisent, se côtoient parfois comme de petits clins d’œil entre les romans).

Oui, parce que ce scrabble est à la fois la passion du héros ado et de sa mère (sans compter l’anti-héros Cosmo) mais aussi ce tic qui nous fait entrevoir ce garçon toqué et qui ouvre chaque chapitre et lui donne sa tonalité:

 » – Va te faire foutre, j’ai répliqué.

C’est vrai, quoi! C’était méchant, ce qu’il venait de dire. Et faux, j’en étais pratiquement sûr. Je ne suis pas autiste (test, statue, tétais, étuis, tuais, usait, usité, étais, têtus, état). Je le sais, j’ai vu Rain Man. »

Parce que tout a commencé à cause d’une toute petite cacahuète…

Je sais que plusieurs autres titres m’attendent et cela me réjouit beaucoup…

Les optimistes meurent en premier, Susin Nielsen.

 

Chère Susin Nielsen, une fois encore des millions de mercis ne suffiraient pas.

J’en viens à me demander si un jour vous écrirez un livre bof-bof ou si nous sommes condamnés à ne lire que des romans extraordinairement malins sur l’adolescence. Ne vous plantez-vous donc jamais ? Ce n’est pas que je le souhaite mais une telle perfection sur une si longue durée… Déjà à l’époque où vous étiez scénariste pour Degrassi, la série pour ados qui nous a tou(te)s fait fantasmer, vous aviez tout compris sur ces petits êtres dont l’âge varie entre 12 et 18 ans.

Grande prêtresse de l’ado tourmenté, déglingué, amputé, orphelin, alcoolique, dépressif ; malgré tous ces tourments, vos livres ne sont que lumière, joie, rire et espoirs les plus fous. On entre dans vos histoires par la petite porte, on s’immisce dans l’intimité généralement pas folichonne d’un groupe d’ados et l’on en ressort fort, fort comme jamais. Convaincu que la vie vaut d’être vécue malgré tout. Heureux aussi un peu, d’avoir passé ce cap, ces années folles pendant lesquelles tout et rien n’est possible à la fois.

Alors merci encore. Comme pour Ambrose le roi du scrabble, comme pour Henry K larsen, comme pour Violette qui voulait marier sa mère à George Clooney et tous les autres héros des romans précédents. Merci de les ramener à la vie.

Dans ce nouveau roman, Petula de Wilde a plein de manies qui exaspèrent tout le monde. Mais ce n’est pas de sa faute, elle croule sous la culpabilité depuis que sa petite sœur est morte. Alors, dans son établissement scolaire, elle va toutes les semaines fréquenter « le club des tarés ». Il y a là, une alcoolo/toxico, un amputé/mytho, un qui a été privé de l’enterrement de sa mère et qui s’en remet pas. J’en passe… Aucun, d’entre eux n’est bien sûr que faire de l’origami avec Betty la psy stagiaire va les sortir du marasme psychologiques dans lequel ils sont englués. Ils n’en ont même rien à faire.

Pourtant dans ce club des toc-toc, il va finir par y avoir une alchimie bénéfique et tous sauront exorciser leurs démons, sous l’oeil brillant de larmes de Betty qui n’est pas peu fière de sa session de déglingués.

Une fois de plus Susin Nielsen a tout compris. Encore un roman merveilleux sur ces (in)oubliables années boutonneuses et fildeferrées.

 

Et comme le dit la 1e page :

Le pessimiste a plus souvent raison que l’optimiste,

Mais l’optimiste s’amuse davantage…

Et ni l’un ni l’autre ne peuvent arrêter le cours des évènements.

ROBERT A. HEINLEIN.

 

 

 

Le journal malgré lui de Henry K. Larsen, de Susin Nielsen. Editions hélium (dès 12 ans)

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Ce livre a reçu le Governor General’s Literary Award, le plus prestigieux prix canadien anglais pour les romans adolescents.

Et m’est avis qu’il l’a bien mérité.

Y a t’il encore quelqu’un par ici qui n’a encore jamais lu un roman de Susin Nielsen ? Si tel est le cas je ne peux que vous engager à vous plonger dans n’importe lequel de ses ouvrages parus en français. Voilà tout juste deux ans, une première très bonne surprise nous attendait ! La parution du jubilatoire Dear George Clooney, tu veux pas épouser ma mère , sur fond de famille recomposée, showbiz et crottes de chien. L’an dernier, 2e bonne surprise avec Moi Ambrose roi du Scrabble, dans lequel Ambrose veut que sa mère lui lâche la grappe car il ne fait rien de mal, il se contente de jouer au Scrabble (ok, avec un type qui sort de prison). Cette année, 3e coup de maître (au bout de 3 réussites, on ne peut plus dire surprise) avec Le journal malgré lui de Henry K. Larsen.

Nielsen à le sens de la formule, du drame enrobé d’humour. Aucun de ses personnages n’a la vie fastoche. Violette de Dear George Clooney avait des parents divorcés, un père remarié à une jeune starlette qui lui a fait deux jumelles adorables… que Violette hait. Ambrose est allergique aux cacahuètes, son père est mort, sa mère parano les fait déménager tout le temps, il est harcelé au collège par Troy et sa bande. Henry est de loin le moins gâté du lot mais je ne peux pas dire pourquoi. Mais il est harcelé lui aussi par Troy.

Susin Nielsen compose un puzzle se déroulant à Vancouver dans lequel nos héros se croisent, apparaissent dans les romans des autres. Ainsi, Ambrose et Henry sont scolarisés dans le même collège. Ou encore, la voisine d’Henry est la meilleure copine de la mère de Violette. Et d’autres liens encore que je n’ai pas saisis car les livres ne sont pas parus dans le même ordre en France qu’au Canada. Si vous n’en avez lu aucun, faites vous une joie de les relier tous les uns aux autres.

Tous ces romans sont un condensé de vie, parfois de mort, d’humour, d’amour.
On y rit et on y pleure à la fois, ce qui selon moi est la qualité suprême d’un roman…

Dans Le journal… Il y a un passage qui m’a donné ce frisson, cet instant où on est entre rire et larmes. Henry remonte de la buanderie commune et tente par tous moyens d’éviter sa voisine Karen avec qui il s’est brouillé pour une histoire de linge (et de soutien-gorge). En passant devant leur box, il s’y enferme et se retrouve le nez collé aux cartons de souvenirs du « temps d’avant ». Photos, couvertures de bébé, vieux jouets, Henry bascule dans sa douce enfance. Quand l’ascenseur s’ouvre , il se fourre Doudouce (la couverture de son frère) dans la bouche pour ne pas faire de bruit. Car il sanglote, envahi par les souvenirs.

Henry mène depuis CE jour une vie bringuebalante. Sa mère est dans une sorte d’asile, son père se met à boire, et lui, Henry disjoncte et se met à parler comme un robot. Son psy lui suggère de tenir un journal (bien lui en a pris!). Les scènes où Henry parle et marche « robot » sont drôlement tristes. Drôles et tristes.

J’aime Susin Nielsen depuis mon adolescence, ce temps béni où je regardais la série canadienne Degrassi, dont elle était la scénariste ! N’attendez plus pour lire ses romans. Tous ses romans, sans exception.

L’été des p’tits gars

Cet été le hasarda a voulu que je ne lise que des romans avec pour héros des petits (Momo des coquelicots) ou des moyens (Holden mon frère ) voire des grands gars (Journal d’un loser).
Il se trouve que chacun à leur manière je les ai beaucoup aimés pour des raisons différentes car ce sont des héros très divers dont les vies ne sont pas forcément similaires. J’ai déjà longuement dit tout le bien que je pense de Moi Ambrose roi du Scrabble, je vais donc me consacrer cette fois davantage aux autres romans.

Je débute par le roman de Yael Hassan Momo des coquelicots qui est un nouvel opus avec le personnage de Momo. Me concernant c’était mon tout premier Momo mais depuis longtemps je m’interrogeais sur ce personnage phare des prescriptions scolaires avec le premier volume : Momo, petit prince des bleuets. Lisible des 10 ans, cette série évoque la vie dans les cités mais bien d’autres choses encore. On pense a Il faut sauver Said en lisant ce roman ou encore à La vie devant soi de Romain Gary. Sensible, combattif, Momo est un personnage qu’on n’oublie pas et qui nous émeut.

Fanny Chiarello intègre l’Ecole des loisirs et la collection Médium avec Holden mon frère, un roman pour ados dont le héros Kevin Pouchin vit un calvaire dans sa famille de « neuneus ». Être cultivé, aller à la bibliothèque, tout ceci ne lui attire que des ennuis. Sa rencontre avec Irène, une ancienne bibliothécaire ne va rien arranger et les moqueries iront bon train. Mais Irène lui transmet des trésors, lui fait découvrir le premier roman qu’il va vraiment aimer : L’attrape-cœurs. Dans le genre héros souffre douleur, j’ai largement préfère Ambrose car je trouve ce roman trop cliché par moments (la vieille dame qui fait l’éducation du jeune de cité…). Toutefois cet Holden reste un bon roman pour ados.

Dans la série je rattrape mon retard, j’ai lu également une vieillerie qui vient de paraître en Folio junior : L’étrange disparition de mon cousin Salim de Shioban Dowd. Roman au suspense modéré mais sans aucun ennui ! J’ai beaucoup apprécié cette enquête rondement menée par les cousins de Salim qui disparaît suite à un tour de grande roue dans le London Eye. Je me suis vraiment prise au jeu de cette enquête en réfléchissant à ce qui avait bien pu se passer. Comme je ne suis pas une flèche je n’avais pas anticipé le final et de ce fait j’ai tenu jusqu’au bout avidement. C’est d’après moi un roman très agréable à lire et bien ficelé comme on dit.

J’ai réservé mon chouchou pour la fin Journal d’un loser de Jesse Andrews ma nouvelle idole. Autant prévenir d’emblée ce roman n’est pas pour tous les publics ! Oh la la que de jurons dans cette histoire au point de départ sordide : Greg est obligé par sa mère d’aller divertir Rachel, une camarade qu’il apprécie peu et qui est atteinte d’une leucémie. Greg fait ce qu’il peut pour l’amuser et si ça ne marche pas forcément pour elle, autant dire que sur moi ça a été fatal ! Je jure que jamais je n’ai autant ri en lisant un roman pour ados. Malheureusement je crains qu’une partie des lecteurs risque de trouver ce Greg Gaines affligeant, vulgaire, cochon. C’est d’ailleurs ce que j’ai pu constater en survolant d’autres blogs consacrés à la littérature pour la jeunesse.
Greg et son pote Earl se prennent d’amour pour le cinéma en tombant sur la vidéothèque secrète du père de Greg. Leur premier choc est Aguirre la colère de Dieu qui restera leur film culte des années durant au grand dam de leurs collègues qui eux, n’y comprennent rien. Il faut lire ces passages dans lesquels ils dissèquent ce film incroyable, on en pleurerait de rire. Et que dire des moments ou les deux compères prennent l’idée de réaliser des remakes de leurs films préférés ? Passage hilarant lorsque Jesse Andrews évoque leurs délirantes parodies, plusieurs minutes de fou rire à mon actif. Mais ce n’est pas que drôle car Rachel, ne l’oublions pas est tout de même en train de mourir… On leur demande de réaliser un film hommage en son honneur qui va évidemment être un fiasco.
Pour tout dire ce roman est davantage pour les lycéens car c’est vrai que par moments ça dérape un peu mais il est pour moi d’anthologie et restera longtemps dans mon palmarès des livres les plus dingues que j’ai lus.

Cet été en compagnie de tous ces p’tits gars était bien sympathique, j’espère que vous en trouverez un à votre goût et bonne rentrée à tous !