Quand nous visitons les salons du livre, notamment jeunesse, je suis certaine que nous avons tous et toutes des objectifs et des stratégies de « déambulation ». Nous pouvons nous hâter vers les stands des éditeurs reconnus, inscrits, gravés dans le large paysage de la littérature pour la jeunesse ; ou filer vers nos éditeurs préférés ; ou bien encore sélectionner les stands-signatures (programme détaillé en mains) pour parfois tenter d’apercevoir juste le haut du crâne de Thimothée de Fombelle (je sais que je ne suis pas grande, et que ça sent le vécu). En faisant cela, nous sommes alors bien conscients de laisser de côté nombre des merveilles littéraires qui nous tendaient bien généreusement les bras. Parfois nous nous rendons aussi dans les salons du livre sans raison précise, juste pour voir… Je ne sais pas vous, mais moi souvent dans le dernier de ces cas, je fais parfois de chouettes et sympathiques découvertes. Ainsi, lors du salon du livre jeunesse de Rouen fin 2014, mon regard furetant, divaguant,… a été soudain stoppé, sur le stand de nobi-nobi, par ça :

bandeau du « Voyage de Pippo » de Satoe TONE
Le fameux bandeau des prix littéraires, des nominés, des récompensés… c’est quand même un petit plus, la preuve en est ici ! Est-ce que sans cela, je serai passée à côté du « Voyage de Pippo » de Satoe TONE ? Nul ne sait. Mais à bien y réfléchir, pas si sûr, tant la couverture de cet album appelle à se poser, à s’évader, à rêver. Le personnage de Pippo, petite grenouille adorable, nous invite à la lecture parce qu’il semble perdu sur ce décor de 1ère de couverture, s’accrochant presque à sa besace. Tournant les premières pages, Pippo nous emmène très vite en ballade, accompagné d’une petite brebis, prête à l’aider à retrouver ses rêves. Arrêter de rêver, cela nous semble juste impossible…

Pippo et la petite brebis rencontre le poisson qui imagine qu’il a des jambes…

Pippo et la petite brebis avec l’oisillon qui désire avoir des amis…
Ainsi, dans les airs, au milieu des coquelicots, sous l’eau, plongé dans les blés dorés, au bord d’une rivière gelée… ce duo nous fait traverser les saisons, des paysages pastellisés, poétiques, teintés d’une grande douceur et de tendresse. Les couleurs de chaque double page sont de toute beauté, les dessins « aux contours diffus » (pour reprendre un commentaire de l’album) nous entraînent à une forme d’émerveillement. La nature y est partout paisible, intacte, laissant une place d’honneur à nos personnages. Et puis, ce récit initiatique aboutit sur une belle histoire d’amitié. Non seulement, Pippo se reprend à rêver mais il n’est plus seul. Du coup, on aime cette positivité !

Et puis, sur le stand de nobi-nobi, le même jour (un de ceux qui nous font aimer VRAIMENT la littérature de jeunesse), une autre couverture m’appelle. Celle de l’album de Kenya HIRATA et Kunio KATO, « La maison en petits cubes » (pris sorcières 2013, meilleur album). Et nom d’une pipe, qu’il m’envahit pleinement aussi ce récit. La pipe ne fait pas juste allusion à celle que le héros, « le vieux monsieur », a constamment de collée au coin du bec et qui lui donne un faux air de popeye, avec la mine davantage grave et triste même. D’ailleurs, « Nom d’une pipe » serait plus à entrendre ici comme un « Tonnerre de Brest » du capitaine Haddock. Une exclamation, une adoration ! Je vous raconte. L’intrigue se passe dans une ville inondée, où l’eau ne cesse de monter, obligeant les habitants à réhausser sans cesse leurs maisons.

La maison du vieux monsieur
Du coup, ils construisent de nouveaux cubes sur d’anciens cubes, eux-mêmes installés sur les fondations des maisons. Notre héros vit seul dans sa maison, il est veuf et ses enfants sont partis vivre bien loin. Et puis un jour, alors qu’il doit de nouveau bâtir, ses outils tombent et coulent tout au fond de l’eau. Souhaitant plus que tout les récupérer, il va enfiler sa combinaison de plongée et descendre dans les anciennes pièces de sa maison.

Tout au long de cette descente, de nombreux souvenirs remontent à la surface, narrant l’histoire du « vieux monsieur », les événements vécus, sa vie. Il y a aussi beaucoup de tendresse dans ce bel album, abordant avec pudeur et justesse les thèmes du deuil, de la vieillesse, de la solitude et de l’acceptation. Le fil inéluctable et déroulant de la vie, celle qui se construit comme des petits cubes qui se superposent, nous est montré avec une certaine lucidité. Même si parfois, nous sommes amenés à nous retourner, regarder le chemin accompli. Une nostalgie bienfaitrice !

(Victime des caprices de mon scanner, je préfère vous prévenir que les couleurs de « la maison en petits cubes » ont été modifiées. Elles sont moins contrastées et plus douces dans l’album original. Je m’en excuse.)
Pour terminer mon petit « tour » découverte de nobi-nobi (je vais vous en laisser quand même…), parlons de Panettone, ce panda appellé Pan’Pan tout droit sorti de l’imagination de Sato HOROKURA. Il a pour ami Praline, une petite fille généreuse, qui lui prépare de bons petits plats. Dans la vie, Pan’Pan est gardien d’une résidence et c’est dans ce cadre, que ces deux héros vont faire des rencontres attachantes, Rose et son frère Romarin, Rika… qu’ils vont apprendre à connaître et à apprécier. Un manga dans lequel des petites histoires, comme autant de tranches de vie, se succèdent inspirant l’amitié, la tendresse, la joie de vivre. « Une vie en douceur » comme le précise le titre. Personnellement, j’y ai vu un peu de Chi… A la fin du volume 1, l’auteure nous explique quelques traditions, fêtes… japonaises qu’elle utilise dans le récit. Il y a aussi un jeu, comment elle a imaginé ses personnages, quelques croquis préparatoires. De quoi entrer directement dans l’univers de Pan’Pan panda.

Pan’Pan et Praline
De ces avis, n’y voyait pas trop de mièvrerie, bien au contraire… nobi-nobi nous donne à lire et à voir de la tendresse à l’état pur. Par les temps qui courent, ça ne se refuse pas !
Les albums présentés ici, sont bien-sûr à mettre entre toutes les mains.
Pan’Pan panda plaira davantage, selon moi, à de jeunes lecteurs-lectrices entre 8 et 12 ans.
« Le voyage de Pippo », Satoe TONE, nobi-nobi, 14,90 €
« La maison en petits cubes », Keny HIRATA & Kunio KATO, nobi-nobi, 14,95 €
« Pan’Pan panda » : une vie en douceur, Sato HOROKURA, nobi-nobi, 9,45 €