Ma vie de chanteuse d’histoire, de conteuse de notes…

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été le bout de chou aux mèches blondes debout sur une table lors des repas de famille à chanter pendant que les grands finissent de trinquer, la fillette qui crée un « pestacle » chaque après-midi avec ses copines ou encore l’enfant qui passe des heures dans sa cachette (!) sous son lit à hauteur à lire des histoires à ses peluches!

Et visez-moi ce joli parterre de peluches!

Depuis, j’ai bien mangé ma soupe et pris des centimètres, mais je suis toujours aujourd’hui partagée entre ces deux passions : la musique et la littérature pour la jeunesse. Un petit tour en Licence de Musicologie, puis par le Master I et II Pro de Littérature pour la Jeunesse de l’Université du Mans (LE FAMEUX! où le sujet de mes mémoires de recherche était… les contes musicaux!), par des expériences en BCD (bibliothèques centre documentaires dans les écoles, pour les non-initiés) et en librairie (dont A Pleine Pages à Lyon), ainsi que mes études musicales à l’École Nationale de Musique de Villeurbanne où j’ai été diplômée de chant/chanson, m’ont amenée à être aujourd’hui moitié-bibliothécaire pour enfants (mais on dit adjointe au patrimoine) dans les médiathèques de Villeurbanne, moitié-auteure/compositrice/interprète/narratrice dans divers projets.

Premier point à éclaircir : non, je ne suis pas intermittente du spectacle puisque je cotise au régime général en travaillant à mi-temps dans un domaine extérieur à la musique. J’ai complètement fini mes études en juin 2014, et depuis je tricote entre les différentes cordes de mon arc : la médiathèque, des articles/piges sur la littérature jeunesse publiés, des chansons avec notamment mon projet LiSAVRiL ou encore le spectacle dont je vais vous parler dans quelques instants.

Avant cela, je ne vous cache pas que parfois l’alternance de mes deux vies professionnelles m’épuise, que je suis obligée de poser des jours de congés à la médiathèque pour aller charger du matériel, jouer, répéter je-ne-sais-où et que lorsque vient l’heure de prendre des vacances et bien… je me retrouve bien embêtée, fatiguée et peu bronzée!! Puis, vous devez bien savoir que lorsqu’on fait un métier-passion, il est très difficile de s’accorder des pauses, de penser à autre chose… on se laisse facilement déborder par ce qui nous plait! Il y a aussi ces choses qui prennent du temps parce qu’on ne les apprécie pas dans le travail comme de nous vendre, d’appeler des lieux pour se produire, de devoir négocier le point de vue financier…  le spectacle en fait c’est aussi et surtout un produit, culturel certes, mais un produit. Et qu’en plus, souvent quand on débute, on se retrouve à tout faire soi-même ou avec les copains, histoire de rester dans nos frais… mais bon, est-ce qu’être au four et moulin, c’est la meilleure des choses à faire? je n’en suis pas certaine…mais passons.

Quand s’invitent les jours où je vois la vie à moitié-vide, je me dis quand même que j’ai sacrément de la chance de pouvoir faire de ma vie ce dont je rêvais quand j’étais gamine! Pis en fait,  du haut de mes 26 ans: je suis encore un peu une gamine, non?!

Je suis donc un peu moitié-moitié. J’ai les fesses posées entre ces deux milieux professionnels que j’essaye de rapprocher, je suis heureuse de pouvoir ranger-cataloguer-conseiller-lire des livres à des petits lecteurs curieux mais aussi frustrée de ne pas pouvoir être présente sur toutes les fronts à la médiathèque. Je suis rongée par l’inspiration qui ne vient jamais quand on est toute à sa disposition mais aussi surexcitée par l’adrénaline et l’énergie qui m’accompagnent jusqu’au premier pas sous les projecteurs!

Heureusement, caché là dans le fouillis des cordes accrochées à mon arc, se trouve un petit bijoux dont je voudrais vous parler ici. Il s’agit d’un projet qui me tient énormément à cœur du fait qu’il mélange parfaitement mes deux penchants, les histoires pour les enfants et la musique :

Le conte musical d’inspiration klezmer « Halb, l’autre moitié ».

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Livre-disque idéal à mettre sous les sapins! 18.30€

Halb l’autre moitié, est né en 2009 de la collaboration entre Alexis Ciesla, compositeur et professeur de clarinette au Conservatoire de St-Priest (69) et Sigrid Baffert, auteure de littérature jeunesse -dont nous avons déjà parlée sur le blog ici. En 2009 donc, lui voulait un conte à mettre en musique par sa classe d’élèves et le voilà qu’il demande à elle d’en inventer un sur mesure. C’est en s’imprégnant des compositions d’Alexis mêlant jazz, musiques traditionnelles d’Europe orientale et klezmer que Sigrid a donné forme à l’histoire: une histoire de transmission au coeur des Balkans. Joué par les élèves d’Alexis et tant d’autres en France sous forme de spectacle vivant il est depuis 2014, devenu un livre-disque publié aux Editions des Braques dans la collection « Un livre, un CD ». Sublimé par le trait chaud et stylisé de Barroux, et raconté par Elsa Zylberstein, il a reçu le prix jeunesse LIRE DANS LE NOIR / Radio France ainsi  que le Coup de Cœur de l’Académie Charles Cros en 2014!

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« Dans un vieil immeuble des Balkans vivent Tallinn, sa grand-mère Baka, et leur petit chien Frageh. En yiddish, Frageh signifie « question ». Sentant qu’elle est en train de perdre la mémoire, Baka décide d’offrir son seul bien à sa petite-fille : sa clarinette. Elle souhaite lui apprendre une mélodie klezmer qui se transmet de générations en générations. Seulement Baka en a oublié la seconde moitié… Tallinn entraîne alors sa grand-mère à travers le pays, dans un voyage initiatique à la recherche de l’autre moitié… »

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Depuis début 2014, je fais partie du Collectif de l’Autre Moitié avec lequel nous avons créé notre version du conte musical pour une conteuse-chanteuse (c’est moi!) et six instrumentistes (2 clarinettes, saxophones, vibraphone, contrebasse et batterie). Nous nous sommes tous un peu rencontré à l’Ecole Nationale de Musique de Villeurbanne (69) et dans notre équipe on trouve un intermittent en devenir, un étudiant en composition à l’image, des étudiants au Centre de formations des enseignants (CEFEDEM) et tous sont professeurs de leur instrument. On est une sacrément belle équipe de collègues-copains qui oscillent entre travail efficace et blagues à rallonge!

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Notre famille au complet avec Alexis et Sigrid!

Avant que j’intègre le Collectif, le spectacle avait déjà connu ses balbutiements mais 2014 a vraiment marqué le début de notre travail de création pour l’amener à sa forme actuelle. Ainsi, nous avons fait des résidences, enfermés tous ensemble dans un lieu parfois sans chauffage pendant quelques jours pour faire mijoter nos idées! Ce qui est génial avec ce genre projet, c’est que finalement chaque répétition permet une évolution, un approfondissement…c’est du work in progress en continu et comme on est 7 membres d’équipage je peux vous dire que ce n’est pas une mince affaire!

Outre le travail purement musical de déchiffrage des partitions, de faire sonner avec subtilité les notes et l’apprentissage par cœur de la musique et des chansons, il a fallu adapter le texte au racontage : éliminer les didascalies, les répétitions des noms inutiles à la compréhension, adapter les dialogues au discours direct et surtout se répartir quelques répliques pour inclure tous les musiciens à la narration!

Notre volonté était vraiment de sortir de l’alternance texte-musique pour proposer un spectacle complet où tout le monde sur scène prend part au récit! Pour ce faire, nous nous sommes prêtés au jeu de la comédie sous l’œil avisé de Nicole Rivier qui nous a aidés à perfectionner la scénographie : attitudes, déplacements, tons des voix et scènes emblématiques comme la file indienne qui part à Ruzìce ou les scènes du boucher et du bus!

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Aperçu à l’arrière de nos anciens décors de type « maisons bancales ».

Ensuite,  nous avons cherché des costumes et un décor qui devaient évoquer tout aussi subtilement que le texte (« non on a dit non, pas le châle à fleurs de Baba Yaga! »)  la ville fictive de Dulpan, perdue au fond des Balkans. Depuis peu, pour sublimer tout ça, nous avons ajouter des techniciens à notre équipe pour créer des ambiances lumineuses! Ainsi, nos décors faits maisons ont laissé place à des guirlandes d’abats-jour ou un nuage de fumée éclairé de lumière blanche pour emporter mieux encore le public dans notre voyage dynamique de Dulpan à Ruzìce.  Mais bon… ça fait encore sacrément de bazar à transporter sur les routes, comme vous pouvez le constater sur la photo ci-contre. On ne dira d’ailleurs jamais assez merci aux écoles de musique et divers lieux qui nous soutiennent et nous prêtent gratuitement certains instruments et éléments techniques!

Joli bazar dans la remorque, hein?!

Sur scène avec mes six acolytes, nous vivons les péripéties de Tallinn, sa grand-mère Baka et leur chien Frageh à la recherche de cette mélodie-leitmotiv oubliée. Ainsi, la mélodie de Baka est jouée en solo par la clarinette puis est réexposée sans cesse au fil des rencontres de l’aventure, et se « colore »  de jazz, d’un peu de classique, de tango, ou de tambours militaires ! L’histoire prend vie grâce à la conteuse et aux musiciens puisque, tour à tour, nous devenons la grand-mère perdant la mémoire, la jeune Tallinn essayant de la distraire, des militaires taillés comme des arbres et même une bande de gamins des rues. Incarné par nous tous, Frageh, le petit chien jaune, fin, subtil est surtout la métaphore de la question infinie « du pourquoi et du comment de la vie ». Finalement, la mémoire et la transmission sont au cœur de cette aventure touchante.

Pour faire une idée par vous-même, je vous invite à jeter un oeil à notre TEASER VIDEO! Parce que ça aussi ça fait partie de notre travail de faire de belles vidéos, photos, captations, un joli site ou interface sur les réseaux sociaux pour être bien visibles et donner envie au public, amateur ou professionnel, de nous voir sur scène!

Aussi, je me permets d’abuser encore un peu de votre attention pour faire un peu de publicité,

parce qu’avec Le Collectif de l’Autre Moitié on vous donne rendez-vous à Paris dans quelques jours :

-Dimanche 29 novembre 15h00
au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (Métro Rambuteau) -dans le cadre de la journée autour du conte « Il était une fois » avec l »Institut du Monde Arabe
8-6-4€ info réservations ici
-Lundi 30 novembre 17h30
Showcase et dédicaces du livre-CD à la Librairie « Le renard et l’entonnoir » (Métro Jourdain)
Entrée libre
-Mercredi 2 décembre 15h45
Scène vocale du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil (Métro Robespierre)
4€ infos ici

Venez donc, nous, me faire un coucou!

Ce spectacle est diffusé par Victorie Music dans la collection « Les Petits Classiques de Victorie », ce qui veut dire qu’on a une maison d’édition/maison de disque qui nous suit et se charge de nous aider à trouver des dates, des lieux et de négocier les tarifs. Pour nous, jeune collectif,  c’est vraiment une chance et un soutien motivant dans notre travail de création.

Contact/Programmation:
Marija Schouman
Tel. 09 50 79 78 71 / 06 63 17 19 83
marija.schouman@gmail.com
Devis, dossier pédagogique et fiche technique sur demande.

Les artistes: Lisa Favre : narration, chant ; Quentin Degeorges : clarinette et arrangements ; Joakim Ciesla : saxophones alto et baryton, chant ; Adrien Philippon : clarinette, clarinette basse, chant ; Anaïs Poingt : vibraphone ; Xavier Nunez Lizama : contrebasse ; Romain Montiel : batterie; Jérémy Ravoux : création lumière et régie générale ; Alizé Barnoud : régie son et lumière.

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Vous pouvez trouver toutes les informations de l’aventure « HALB »

  ici

et suivre les actualités du Collectif de l’Autre Moitié

sur notre page Facebook!

A tout de suite pour vous glisser à l’oreille quelques mots et quelques notes et pas qu’à moitié!

A vos oreilles… prêts… lisez!

« La parole est musique et la musique est parole »

Thierno Diallo, conteur.

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A l’approche de la Fête de la Musique, nous vous proposons
de (re)découvrir les livres-CD jeunesse.

Dans la jungle éditoriale, le livre-CD est présent, en masse, et sous de nombreuses dénominations : livre-audio, livre-disque, conte musical, ou feu livre-cassette… Autant de branches qui font de ce genre spécifique à la littérature jeunesse une forêt (trop) dense. Voici en 7 points thématiques, des pistes d’orientation dans cette abondante végétation pour vous guider sur les étagères des librairies et médiathèques :

Pour les tous petits

Les livres-CD pour s’initier à l’écoute des sons et des histoires :

L’est où l’doudou d’Lulu ? de Michèle Moreau. Opéra pour les tout-petits. Voir la Collection « Polichinelle » de Didier Jeunesse.

Comptines pour les gourmands ; Berceuses pour les petits noctambules. Collection « Eveil musical » de Didier Jeunesse.

Pitt’Ocha des Ogres de Barback, aux éditions Rue du Monde. Histoire chantée de Pitt’Ocha, compteur de bruits.

Les contes traditionnels

De Barbe-Bleue à la Belle et la Bête en passant par Pinocchio, on redécouvre les contes classiques :

Robin des bois de Nicolas Bianco-Levrin aux éditions Quiquandquoi. Illustrations magnifiques.

La petite sirène contée par la cantatrice Nathalie Dessay sur des extraits de la musique « Peer gynt » d’Edvard Grieg. Ed. Didier J.

– Les habits neufs de l’empereur conté à l’aide de chansons. Par Guy Prunier, conteur lyonnais. Ed. Didier J.

Voyage musical : à la découverte d’un pays

Quoi de mieux pour préparer un voyage ou être dépayser en un instant que de se faire bercer par des airs traditionnels, et des contes venus des quatre coins de monde :

Olek a tué un ours de Bart Moeyaert. Conte russe mis en musique avec des airs traditionnels et originaux. Editions du Rouergue.

Comptines de miel et de pistache de Nathalie Soussana. Comptines turques, arméniennes, grecques et kurdes. Délicieux voyage ! Ed. Didier J.

Kim et le gardien de la terre, d’Anne Montange. Conte et musique de l’Océanie (didgeridoo…) ; très belle qualité en lien avec la Cité de la Musique. Collection « Contes du musée de la musique » chez Actes Sud Junior.

A la découverte des musiciens, des instruments et des styles musicaux

Des livres-CD pour comprendre, écouter, reconnaître et découvrir la musique :

Pierre et le loup, de Prokofiev. Premier conte musical (1937) permettant de découvrir les instruments de l’orchestre. Diverses éditions selon les goûts.

Faustine, les claviers et les ogres, de Leigh Sauerwein. Conte pour apprendre à reconnaître le son des claviers. Voir la collection « Mes premières découvertes » chez Gallimard Jeunesse.

Swing Café de Carl Norac. Conte au cœur des Etats-Unis sur des airs de jazz. Ed. Didier J.

Pierre et le pialeino de Mathieu Boutin. Conte original, sur des airs de compositeurs classiques. 4 tomes. Collection « Conter fleurette » des excellentes éditions québécoises Planète Rebelle.

Les opéras et contes musicaux « classiques »

Grâce aux illustrations et au contage des livres-CD, un premier pas vers des grands chefs-d’œuvre de musique classique.

La boite à Joujoux de Debussy. Soldat de plomb, voitures et poupées, que se passe-t-il à l’intérieur d’une boîte à jouets ? Diverses éditions. Coup de cœur pour celle de Didier J.

Roméo et Juliette de Prokofiev. La tragédie de Shakespeare avec longues plages sonores extraites du ballet. Ed. Didier J.

La flûte enchantée de Mozart. Diverses déclinaisons musicales et contées du célèbre opéra. Le livre permet de rentrer dans la musique ; le jeune lecteur peut mieux comprendre.

Les originaux

Dans les rayons se trouvent des trésors originaux :

Le silence de l’Opéra, de Pierre Créac’h aux éditions Sarbacane. Magnifiques illustrations, aventure dans l’opéra de Paris.

Barouf à San Balajo, de Timtohée de Fombelle aux éditions Flammarion. BD-CD, on suit les aventures d’un chien au fil des cases et de la musique latino-américaine.

Ma grande sœur m’a dit, de Gilberte Niamh Bourget aux éditions Hélium. Documentaire-CD, c’est un imagier sonore des saisons.

Le monstre mangeur de prénoms, de David Cavillon aux éditions Benjamin Media. Disponible avec livret en braille.

On chante !

De nombreux livres-CD sont des recueils pour apprendre, écouter, et partager des mélodies, danses, comptines et chansons :

Comptines au fil des flots, chansons à thématique aquatique, ou Vacances à tue-tête avec 32 tubes pour les vacances à chanter à cœur joie ! Collection « Comptines d’ici » chez Didier Jeunesse.

Back CameraJe trouve que les livres-Cd sont parfaits pour changer de mode lecture à l’approche de la période estivale, ils sont idéaux pour accompagner les interminables trajets en voiture, et il est si agréable de retrouver la sensation de se faire raconter des histoires aux creux de l’oreille.

Recommandés pour la jeunesse et la vieillesse à partir de la naissance…!

Voir la collection « Les contes du musée de la musique » chez Actes Sud Junior.

Voir les éditions spécialisées Benjamin Media.

Voir les collections spécifiques autour des livres-Cd chez Didier Jeunesse.

Voir la collection « Mes premières découvertes de la Musique » chez Gallimard Jeunesse.

Voir la collection « Conter fleurette » chez Planète Rebelle.

Vous pouvez aussi jeter un œil à mon mémoire de Master I.

(Article également publié sur le site des médiathèques de la ville de Villeurbanne).

Images : Tous droits réservés à C.Piolatto.

Pierre et le Loup et les contes musicaux

La forme la plus répandue du conte musical sous laquelle on peut le trouver sur les étalages des librairies et des bibliothèques est constitué d’un livre, souvent un album grand format, à l’intérieur duquel est glissé devant la page de garde un compact disque. Le développement et le succès grandissant des contes musicaux est dû, en partie, du fait de la multiplicité des collections spécialisées chez plusieurs éditeurs (Didier Jeunesse, Gallimard, Thierry Magnier…) et s’explique avec le développement et l’expansion des formes hybrides dans la littérature (livres-jeux, livres-doudous, livres-bains, livres à colorier…). De plus, on appâte le lecteur-auditeur avec des formules économiques alléchantes telles « A l’intérieur de ce livre, un CD offert » pour justifier les, en moyenne, 20euros à dépenser.

Pierre et le loup a été composé en 1936 par Serge Prokofiev pour faire découvrir aux enfants les instruments de l’orchestre symphonique. Chaque instrument personnalise un personnage grâce à une « phrase musicale facile à retenir ». L’enfant lecteur-auditeur ne nécessite pas d’avoir des compétences ou aptitudes particulières d’écoute, le génie de Prokofiev est là : la musique illustre le texte et l’action et devient une troisième dimension de lecture (après le texte et les illustrations). De plus, au début du conte musical et ce, dans la majorité des contes musicaux commercialisés, se trouve une introduction qui présente les personnages et leur double instrumental.

C’est un « classique » du genre, et est présent dans la plupart des maisons d’éditions, que ce soit en version musicale, non musicale, en album ou dans les recueils de contes. On tient à comparer quatre versions du conte musical Pierre et le Loup, que l’on nommera versions A, B, C et D.

La version A, est ce que l’on peut appeler la version « originale » puisqu’il s’agit de la réédition du conte musical publié en France en 1956, soit vingt après sa création. Son format est de 19,5 x 25cm et sa couverture est cartonnée. Son format vertical et son toucher mat et rigide, offre au lecteur une bonne prise en main.

 

Couverture illustrée par Marcel Tillard de Pierre et le Loup, éditions Le Chant du Monde.

Les illustrations sont simples, naïves (non respect de la perspective) et en couleurs vives. Elles ne sont pas très présentes au fil du livre et présentent un style « rétro » assez en vogue. Elles ponctuent le texte d’éléments de compréhension sans jamais trop décrire : c’est la musique qui permet la description des lieux et de l’atmosphère. La musique et l’histoire contée par Gérard Philippe, reprennent mot à mot le texte écrit dans le livre. L’enfant non-lecteur peut donc suivre le récit grâce à la voix, tout en se laissant bercer par les images et la musique. Le texte demande peu de compétences à l’enfant-lecteur, puisque la voix qui raconte se fait vecteur des mots de Prokofiev, au même titre qu’un médiateur du livre, lecteur (parents, professeurs, …).

            La version B présentée par les éditions Didier Jeunesse est un conte musical récité (et non conté) par Michel Galabru et illustré par Eric Battut. Cette une version très différente de la première présentée notamment par son format carré. Similaires à des albums, les contes musicaux de la collection « Un livre, un cd » sont tous en 27x27cm.

Couverture illustrée par Eric Battut, éditions Didier Jeunesse.

Les illustrations de tout le livre, que l’on peut considérer comme étant un album, sont en pleines pages et plongent immédiatement le lecteur dans l’univers du livre par ce principe de remplissage des pages. De manière récurrente, chaque double page présente un côté où le texte est présenté et l’autre où se dessine l’action. L’illustration est toujours une vue d’ensemble, très large. Elle englobe le lecteur mais donne l’impression que les personnages sont tout petits et fait ainsi ressortir le côté effrayant de l’histoire : le lecteur aussi se sent minuscule et passif face aux évènements. La lune et les personnages blancs que l’on trouve sur la couverture font écho au personnage de la Commedia dell’arte, notamment Pierrot. Les paysages larges et le style poétique de l’illustrateur se prêtent bien à la lecture de l’album avec support CD. Pour Michèle Moreau, directrice des éditions Didier Jeunesse, « Eric Battut est un peintre des émotions et du paysage, qui plus est, il est pianiste, son Pierre et le loup est comme une partition, quelques traits, que la couleur révèle… » L’enfant non-lecteur peut se laisser bercer par les images et se laisser happer par l’histoire audio-visuelle, de manière plus intense que dans la version A où les illustrations étaient ponctuelles et peu descriptives. De plus, l’illustration peut palier un niveau de lecture trop faible de la part du lecteur.

La version C est éditée par les éditions Enfance et Musique. Ceux-ci sont spécialisées dans la musique et non pas dans les livres pour la jeunesse. La collection « 1 livre + 1  CD » est d’ailleurs récente.

Couverture des éditions Enfance et Musique, illustrée par Pef.

L’illustration de la première de couverture interpelle l’œil : on reconnaît le style de Pef !  De plus, sur ce fond rouge sang, on a envie de savoir si l’enfant va se faire dévorer par ce loup aux yeux jaunes alors qu’il est endormi. Le format carré et grand du livre, 21,5 x 21,5cm et ses pages lisses, permettent une bonne prise en main et rendent faciles les allers-retours dans la lecture. On apprend sur cette page de couverture que les auteurs de l’histoire racontée sont François Morel et Olivier Saladin.  Cette une version « revisitée » du conte de Prokofiev. En effet, c’est avec beaucoup de naturel dans la voix que les deux narrateurs rajoutent des commentaires de leur cru faisant rire les enfants, ou visant l’humour des parents. Si l’enregistrement date de 1995, la conception du livre-disque est une création de 2010 qui gomme les commentaires des narrateurs et reprend de manière fidèle, le texte de Prokofiev. Les illustrations bien que petites, invitent le lecteur dans l’action. Elles sont en gros plans, très colorées et humoristiques, et axées autour du mouvement. On note aussi un jeu avec de la typologie

Le déroulement de l’histoire musicale est identique à la version originale mais le choix éditorial est d’en faire une « version musique de chambre », plus intimiste, qui n’enlève en rien la particularité des instruments-personnages. Un point singulier qui donne une nouvelle dimension à l’histoire est le fait que le loup soit caractérisé musicalement par un orgue de barbarie, plutôt que par les trois cors « sévères et sombres ». Le choix de l’instrumentation donne un caractère plus populaire et espiègle à Pierre et au loup.

Dans cette version, l’enfant lecteur-auditeur n’est pas aidé dans la compréhension et l’identification des instruments puisque l’introduction imaginée par Prokofiev est absente. On se demande si le public visé par l’édition n’est pas un public déjà connaisseur de musique, et si l’adaptation du conte musical n’est pas à considérer pour les plus grands, ou des amateurs de Pierre et le loup.

La version D est une version non musicale. On a choisi cette version de la collection « L’heure des histoires » car elle met en évidence ce que peut changer, apporter et induire la narration musicale. Dans ce cas, c’est l’absence de musique. Format de poche et souple, la collection « L’heure des histoires » de Gallimard Jeunesse présente des contes et histoires populaires dans un format facile et un prix abordable pour favoriser la « lecture partagée ».

Editions Gallimard Jeunesse, couverture illustrée par Ema Voigt.

La souplesse du livre permet une très bonne maniabilité mais n’est pas adaptée pour de jeunes lecteurs. La première de couverture présente une illustration en pleine page montrant la scène finale de la capture du loup par les chasseurs. On a envie de savoir quel est ce cortège, ce qui nous donne envie de lire l’histoire, mais elle nous renseigne trop sur le récit et peut freiner la curiosité. Le dessin est très précis, dans des tons pastel et laisse à penser qu’il s’agit d’une gravure, ou d’une illustration assez ancienne. Même si l’organisation du rapport texte/illustrations se rapproche de la version A, avec une alternance entre les deux, les pages sont majoritairement sur fond blanc, avec le texte écrit dans une écriture sobre et une organisation digne d’un roman. Seule une double page présente une illustration en pleine page.

Mise à part la version C, toutes les adaptations du conte musical Pierre et le loup, intègrent à l’illustration des bouts de partitions musicales pour montrer visuellement la mélodie instrumentale qui caractérise chaque personnage. Ces insertions musicales dans une version « muette » du conte sont-elles utiles ? Sans support audio, ses références induisent que le lecteur connaît déjà la version musicale et se chante les airs avec l’aide de l’appui visuel. Si non, elles ne servent qu’à mettre la puce à l’oreille du lecteur.

….. Mon coup de cœur pour la version C ne peut que difficilement être caché, tout comme,  plus largement, ma passion pour les livres-cd et contes musicaux. Je vous les recommande pour des idées cadeaux (pour soi, ses enfants et ceux des autres)… puisque dans 9 mois c’est déjà Noël ! Plus surprenant qu’un livre, plus facile d’accès qu’un CD et moins bateau qu’un DVD… le conte musical plait autant aux petits qu’aux grands. Je trouve que ce sont de superbes ouvrages permettant l’échange entre parents (ou autres adultes) avec les enfants. Les considérer comme des « garderies» comme parfois peut être utilisée la télévision serait réducteur et rendrait le support bien peu attractif, alors amusez-vous à les lire-écouter !

PS : Mon mémoire de Master I s’est articulé autour de la difficulté de définir le genre des contes musicaux, et voyant que je ne me lasse pas de faire des recherches ou de parler de ces livres-cd,  je compte bien continuer d’écrire des chroniques sur le sujet et  poursuivre mon Master II avec l’étude de la problématique du classement en bibliothèque de ce genre hybride, mi livre – mi disque. 

Lisa lit ça.